Bon, je tiens quand même à préciser que ma note sur ce film porte sur la version ratiboisée dont il a été victime. C’est toujours assez gênant de devoir noter des films massacrés, mais malheureusement il faut juger sur pièce, et ici, ce n’est pas du tout au niveau.
En fait on sent le film ultra-ambitieux, comme souvent chez Gance. Raconter le monde alors qu’une comète est censée le détruire. Raconter les 114 jours avant l’apocalypse. Un projet hautement ambitieux, et clairement, c’est le genre de sujet qu’il faut traiter en des heures de film, pas en 90-100 minutes. Le métrage est le reflet des énormes coupes faites, si bien qu’il n’est qu’une succession de séquences qui paraissent totalement décousues. La deuxième partie qui insiste sur le monde avant la catastrophe frôle l’inventaire à la Prévert (bourse, orgie festive, discours religieux...), et la première est bourrelée, comme la fin d’ailleurs, de références pseudo-mystiques. Une première partie par ailleurs terriblement lourde, avec des scènes qui pour le coup sont tout à fait inutiles. Je crois que tout ce qui était réellement intéressant dans la version originelle n’a pas été gardé, mais qu’ont été gardé des scènes inutiles. Pour ma part l’ambition est là mais le traitement est plus qu’hasardeux, pour ne pas dire ridicule. Le film est très bancal, et très ennuyeux.
Ce qui toutefois me rassure quand même que cette version courte reflète globalement la faiblesse du film original c’est l’interprétation. Pas mal d’acteurs connus de l’époque, très sous-exploités en fait (le film virant rapidement à la représentation du monde, et se détachant donc assez de ses personnages principaux), mais surtout, un Abel Gance qui s’offre un rôle dans la première partie, et qui est affreux ! D’ailleurs la première partie est niveau interprétation assez consternante à part quelques exceptions (Francen reste décent). Mais Gance est atroce ! Il nous livre une sorte de personnage mystique, fou, qui débite de façon artificielle des dialogues surrécrits. Pour donner une image de comparaison, ça ressemble au monologue dans Hiroshima, mon amour. Par beaucoup d’aspects d’ailleurs les deux films auraient des proximités. Ça ruine totalement le début. C’est peut-être lié au fait que c’est le premier film parlant de Gance, et qu’il n’a pas l’habitude, mais enfin…
Quant à la forme rien de spécial à souligner. Quelques séquences correctes, mais surtout un mélange foutraque et désordonnés d’images censées montrer le monde en situation de tension, voire d’apocalypse. J’ai un peu l’impression que Gance a voulu offrir une vision quasi-documentaire, ce qui se révèle dans le choix de faire disparaitre assez nettement les acteurs dans la deuxième partie du film. Du coup il filme les foules, et les lieux. On sent que le réalisateur a une patte, c’est sûr, et il y a des morceaux bien faits, mais sans aucune cohérence esthétique réelle. Là c’est sans doute lié au fait qu’on a une version nettement rapetissée, et que des morceaux très éloignés dans la version originale sont ici mis côte-à-côte. Il en résulte un gros gloubi-boulga visuelle, ou en quelques minutes on peut enchainer une séquence orgiaque, une scène de SF avec la Terre vue du ciel et la comète, puis un discours mystique ou religieux devant la foule. Le bazar de fond se retrouve dans la forme, tout simplement. Quant à la bande son, il n’y a pas véritablement de personnalité, et rien qui colle réellement aux images.
En conclusion, La Fin du monde, détesté à sa sortie, me parait justifier son lourd échec. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’ambition, c’est même sûrement un des films du genre les plus ambitieux de son époque, mais ce n’était pas tenable en si peu de minutes. Sous la forme d’une mini-série aujourd’hui, pourquoi pas, mais là non, c’était impossible de réussir le pari. 1