« Douleur et Gloire » en étant essentiellement autobiographique, n’est peut-être pas la meilleure idée de la part de Pedro Almodóvar pour ce dernier film, tant son bilan de vie plutôt négatif demeure très descriptif et centré uniquement sur lui-même.
Et au fond, même si le cinéma d’Almodóvar est toujours digne d’être découvert, en quoi sa démarche peut-elle cette fois nous intéresser vraiment ?
C’est en effet toujours fascinant de voir ces célébrités penser que leur vie personnelle devrait intéresser leur public, et encore plus fascinant de se rendre compte que ça marche plutôt bien à chaque fois !
En soi ce film a le mérite de nous démontrer le vide sidéral qu’exprime le cinéaste, au point de ne ressentir ses propres émotions que par le mal être que lui transmet son corps, en listant de surcroît toutes ses douleurs dont il fait état en large et en travers, et donc uniquement en parlant toujours et toujours de sa propre personne.
Mais là où le film avait un véritable sens et aurait ainsi pu avoir l’impact attendu, c’est au niveau du travail d’introspection du réalisateur, quant à ce qu’il a raté sur le plan relationnel, un aspect essentiel totalement absent dans cette réalisation beaucoup trop narrative.
On n’assiste donc jamais à une seule analyse ou remise en question de la part du réalisateur, et ceci même au niveau des deux seules personnes qui ont compté pour lui, à savoir cet ancien amant Federico et sa mère qui lui reproche de ne pas avoir été un bon fils...
À force de tourner autour du « Génie de l’Artiste », sur le désir absent et donc l’impossibilité de créer, sur l’inspiration en berne, soit tout ce qui le rendait autrefois vivant, on finit donc par s’impatienter un minimum !
C’est certain que tout cela représente pour Almodóvar le point névralgique de son existence, mais au regard d’autres problèmes que certains connaissent dans leur galère au quotidien, on peut ressentir aussi un certain agacement voire une gêne évidente par ce manque de pudeur, qui conduit à s’épancher ainsi jusqu’à une certaine forme d’indécence !
En quoi au fond cette vie dorée et vide de sens dans ce bel appartement aussi cossu et confortable, nous apporte-t-elle quelque chose à nous spectateurs ?
En quoi était-il essentiel de nous faire l’inventaire exhaustif des maux de cet homme très seul qui somatise à mort ?
Tout se rapporte en effet à son égo, à ce qu’il ressent en lui et à travers lui !
Ceux qui l’entourent ne sont là que pour s’inquiéter de lui, le devancer et le servir sans qu’à aucun moment ils ne soient respectés ou vraiment considérés, ce qui devient à force plutôt pénible et pathétique.
Et pourtant Antonio Banderas dans sa composition, met beaucoup de conviction à interpréter ce Salvador déprimé et déprimant, alias Pedro, sans que l’on se sente pourtant une fois concerné ou ému de son sort (pour lequel il est finalement responsable), sauf peut-être dans les tendres scènes de l’enfance plus sincères et touchantes dans leur approche.
La fin qui amorce une renaissance apparente avec le retour de ce fameux désir de la création, ne semble même pas mettre le cinéaste dans une nouvelle réflexion quant à sa relation aux autres, tant elle ne semble pas évoluer d’un iota. Ceci sans même l’espoir de voir poindre enfin quelques regrets par rapport à l’échec manifeste de sa vie privée, de cette solitude pesante, mais récoltée comme il se doit...
Inquiétant en terme d’analyse !
Il existe en effet dans ce monde de vraies douleurs, celles que l’on n’a pas choisies et avec lesquelles il faut avancer coûte que coûte sans pouvoir se lamenter pour autant !
« Parle avec elle », d’une autre envergure, en était justement une terrible et magnifique démonstration !
À méditer.