Contrairement à la plupart de ses films, Pedro Almodóvar n’a pas réalisé un mélodrame mais plutôt un film bilan, testament, à travers un cinéaste, Salvador Mallo (Antonio BANDERAS, 59 ans, son 8e film avec Almodóvar), vivant seul, souffrant de douleurs multiples,
notamment au dos, à cause de la maladie de Forestier ou hyperostose vertébrale et à la tête
et les 4 personnes qui ont marqué sa vie : sa mère, Jacinta,
décédée il y a 4 ans à l’hôpital, sans pouvoir la ramener dans son village (elle l’a beaucoup aimé enfant mais a été déçue par la suite, « n’ayant pas été un bon fils », en raison, notamment, de son refus d’entrer au séminaire)
, Alberto, acteur principal de son 1er film, « Sabor » qu’il revoie après 32 ans de brouille, son 1er émoi sexuel,
un jeune maçon, doué pour le dessin, venu travailler dans la maison grotte de ses parents
et enfin son 1er amant, Federico,
argentin, drogué, qui l’a quitté il y a plusieurs années, qui vient de se séparer de la femme qui lui a donné 2 enfants et qu’il retrouve à l’occasion d’une pièce de théâtre qu’il a écrite, un monologue confession (« L’addiction ») et joué par Alberto
. C’est superbement réalisé avec, comme toujours, un travail sur les couleurs (du décor, des vêtements mais aussi du générique et même d’images médicales), le montage (plusieurs flash-backs dans l’enfance où Penelope CRUZ, lumineuse et solaire, joue sa mère jeune) et une mise en abyme finale. C’est une belle réflexion sur l’amour du cinéma [cf. extraits de « Niagara » (1953) d’Henry Hathaway avec Marylin Monroe et de « La niña santa » (2004) de Lucretia Martel… dont Pedro Almodóvar a été producteur !], le métier de cinéaste qui s’imprègne de sa vie pour créer une œuvre et dont la vie n’a plus de sens sans tournage (
d’où son addiction aux médicaments tels l’oxycodone, antalgique opiacé et même à l’héroïne qu’il fume, découverte grâce à Alberto
). Seul point faible : cela manque un peu d’émotions fortes et de réels enjeux dramatiques. Antonio Banderas est exceptionnel avec son jeu plein de retenue, aux prises avec la douleur, la difficulté du quotidien et de la vieillesse. Son prix d’interprétation masculine à Cannes est amplement mérité. Sans oublier la musique envoutante d’Alberto IGLESIAS, 64 ans, compositeur attitré du réalisateur (11 films en commun).