D’aucun ont voulu voir dans ce film une version serbo-croate du Salaire de la Peur d’Henri Georges Clouzot…peut être parce que le contenu du camion reste mystérieux jusqu'au bout et à ce que les spectateurs se fassent leur propre idée…Teret est le premier long métrage du jeune réalisateur serbe Ognjen Glavonic…Teret peut se traduire par charge, mais aussi chargement au sens de fardeau…Nous sommes en 1999, la Serbie est bombardée par l’OTAN, on ne voit pas la guerre mais on entend des bruits de fusillades et d’explosions dans les lointains, on voit des bâtiments et des véhicules en feu… On suit Vlada, ouvrier d’usine qui a perdu son emploi, homme ordinaire, au physique de colosse, plutôt revêche qui ayant son permis poids lourds, qui s’est vu confier la mission de conduire un camion contenant une mystérieuse cargaison du Kosovo à Belgrade. Les portes sont verrouillées, il ne peut savoir ni ne veut savoir la nature de cette cargaison…Peu avenant, Vlada se présente comme un homme aussi mystérieux que sa cargaison. On traverse des régions semi-montagneuses, plongée dans la grisaille Paysages gris, routes boueuses, silhouettes mangées par un destin sinistre, tout se conjugue pour transformer ce voyage en odyssée glauque. On y croise des personnages énigmatiques dont on ne saisit pas bien les ressorts …Le réalisateur se gardant bien de fournir à chaque situation un contexte et instille tout au long du film le sentiment d’un réel brumeux, oppressant…que l’on ne pourra jamais complètement fixer ni voir en entier. Comme le camion est soumis à des détours du fait de la destruction de certains axes, le temps semble lui aussi serpenter et s’étirer dans le huis clos de la cabine... Sur le chemin, il s'arrête pour téléphoner à sa femme, pour répondre à la police à qui il présente un mystérieux laissez-passer qui le dispense de tout contrôle…Il prendra, un peu forcé, un auto stoppeur qui veut fuir le pays et rejoindre l’Allemagne…A son contact, Vlada devient plus chaleureux et pense à son fils, grand adolescent, à peine plus jeune que l’auto-stoppeur et qui ne veut plus lui parler…Le jeune homme représente l’avenir du pays… Le passé, lui, s’incarne notamment dans le briquet fétiche de Vlada, légué par son père. L’objet, qui commémore une victoire contre les nazis, à Sutjeska., où son père et son oncle ont combattu et où son oncle a perdu la vie…ce qui donne l’occasion à Vlada de raconter à son fils une belle histoire…son oncle avait l’habitude de transporter dans ses poches des noix… le père retrouvera la dépouille de son frère, sous un noyer…le briquet sera dérobé en route par un enfant, dont on ne voit pas trop ce qu’il fait là….Il ne se passe finalement peu de chose dans ce film, mais la réalisation très maitrisée, jouant sur le hors-champ , sur ce danger qui peut surgir de n’importe qui et n’importe où dans ces terres hostiles renforce cette ambiance angoissante...et l’atrocité n’est jamais loin…mais elle n’est que suggérée au spectateur attentif …c’est fascinant mais aussi étouffant …