Le premier film de Camille Vidal- Naquet, présenté à Cannes à la Semaine de la critique où il a fait son petit effet, est pour le moins éprouvant. Pas forcément un électro-choc comme ont pu l’être avant lui « Irréversible » de manière (très) désagréable et inutile ou « Martyrs » de façon plus nécessaire et intelligente, mais plutôt dans la veine de « L’inconnu du lac » sur la même manière de filmer des rapports sexuels entre hommes de manière crue et frontale. Un peu comme pour le film d’Alain Guiraudie, ces scènes ne sont certes pas sans rapport avec le propos du film puisqu’ici on suit la vie d’un prostitué masculin et qu’elles servent à illustrer une partie de ce que le personnage principal peut rencontrer, elles sont parfois un peu trop longues, nombreuses, extrêmes et explicites sans que ce soit vraiment utile. On a parfois l’impression que des réalisateurs, dans le but de marquer la rétine du spectateur ou de le mettre mal à l’aise voire de le choquer, prennent un malin plaisir à être complaisant dans le sexe (ça marche pour la violence aussi). Abdellatif Kechiche à l’occasion du Palmé « La Vie d’Adèle » a pu subir ce genre de reproches également (et à raison) en dépit de la qualité irréfutable de son film. Et les différents partenaires du protagoniste principal ont parfois tendance à faire un peu catalogue des nombreuses pratiques homosexuelles. Il n’empêche, on ne peut reprocher au metteur en scène le réalisme de ces séquences et de son film en général.
« Sauvage » est à la lisière du documentaire parfois. Car sans véritable trame narrative si ce n’est l’errance de Léo, son jeune personnage principal, et une façon de filmer caméra à l’épaule (sans pour autant que l’image soit désagréable), on a parfois l’impression de suivre un véritable prostitué existant réellement. Ce qu’on perd en donc en cinéma ici, on le gagne en véracité, en naturalisme même. Cependant, cette oeuvre dégage parfois une impression cafardeuse, une impression de tristesse même, un ressenti qui sied peut-être au propos mais rend l’expérience un peu désagréable. Et la fin, fataliste quant à la dépendance à un passé et des habitudes et fortement marquée par le déterminisme social, n’arrange rien à l’affaire. De plus, le portrait est tout de même un peu chargé et les séquences s’enchaînent de manière un peu répétitive (scènes de sexe avec les clients, chez le médecin, sur le trottoir, …) sans qu’on ait la sensation d’un quelconque point de vue de la part du réalisateur. C’est juste descriptif si on est gentil mais misérabiliste et voyeuriste si l’on n’est pas réceptif. « Sauvage » se suit néanmoins avec intérêt et porte en lui de nombreux et beaux moments d’émotion. On pense par exemple à la scène chez la femme médecin avec ce câlin, sincère et volé. Mais c’est surtout grâce à la performance incroyable de Félix Martiaud, véritable révélation qui porte le film sur ses frêles épaules. Mais attention, après « 120 battements par minute » et « Un couteau dans le cœur » deux autres films cannois où il s’avérait génial, à ce qu’il ne s’enferme pas dans le carcan des œuvres étiquetées gays et extrêmes.
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