C’est une communauté qu’on ne voit pas souvent au cinéma que celle des Afrikaners, ces fermiers fiers d’être blancs, farouchement attachés à leur foi protestante et implantés dans l’État libre d’Afrique du Sud. Ils sont d’ailleurs plus ou moins en voie de disparition, d’autant qu’on en retrouve régulièrement qui sont morts assassinés. Ceux qui tiennent le coup persévèrent néanmoins à cultiver des terres et à élever du bétail. Ils mènent une vie de quasi reclus, sauf quand il s’agit de participer à une prière ou à un culte au Temple.
Or, un jour, un jeune garçon prénommé Janno, l’aîné d’une famille et donc son probable héritier, se retrouve en présence d’un certain Pieter, un orphelin de son âge que sa mère a pris en pitié et décidé d’accueillir dans sa maison. L’arrivée de cet inconnu ne va pas de soi pour Janno. Sa mère a beau lui dire qu’il faut accepter le nouveau venu comme un frère, ce n’est évidemment pas si simple. Pieter ne tarde d’ailleurs pas à dévoiler son étrangeté, sa différence, par rapport aux normes en vigueur dans cette famille. Comme dans « Théorème » (1968) de Pasolini, la survenue de l’autre, de l’étranger, sert, en quelque sorte, de révélateur. C’est vrai, en tout cas, pour ce qui concerne Janno non seulement parce que sa place au sein de sa famille est perturbée mais aussi parce que sa propre identité est remise en question. « Quand le monde réel frappera à ta porte, lui dit Pieter, tu ne tiendras pas deux minutes ! ».
Il y a du Terrence Malick (celui des « Moissons du Ciel »), il y a aussi du Bergman (à cause du poids d’une religion rigoriste, à cause aussi des non-dits sur ce qui concerne la sexualité), il y a toutes ces influences dans ce film imprégné de Bible et de prières, ce qui n’empêche ni les peurs ni les affrontements. On devine dans le regard de Janno sur Pieter à la fois du dégoût et de la fascination. Le petit monde refermé sur lui-même que connaissait Janno se fissure et laisse entrevoir d’autres réalités, dangereuses, inquiétantes et néanmoins attirantes. Sa mère peut toujours demander, dans ses prières, que la semence de son fils soit bonne, elle ne peut faire barrage au désir mêlé de répugnance qu’éprouve Janno quand il est en présence de Pieter.
Ce premier film de Kallos, s’il n’est pas totalement abouti, s’il s’encombre peut-être de trop d’illustres références, n’en est pas moins doté des qualités d’un vrai regard de cinéaste. Il est prometteur.