Heureux les Suédois et les Danois qui se permettent de produire un film aussi original. Différent. Ailleurs. Tandis que nous autres, misérables français, nous nous rengorgeons et coqueriquons devant notre exception culturelle, (un tiers d'oeuvres bien pensantes, destinées à mettre en valeur des "minorités visibles" à qui personne de sensé ne veut par ailleurs de mal, deux tiers de comédies égrillardes et grossières); heureux êtes vous, Ali Abbasi, Iranien accueilli pour vos études par la Suède puis le Danemark.... Plutôt que de donner des conseils au monde entier, peut être la France pourrait elle accueillir un peu plus de talents venus d'ailleurs?
C'est quoi, ce film? Bon, un film fantastique, il faut le reconnaître: nous y sommes dans la deuxième partie de l'oeuvre. Mais un film qui en dit beaucoup plus sur: la différence; l'étranger; le regard sur l'étranger (cette peur de la différence qui va conduire à le traiter de façon ignoble); ce que c'est qu'être humain, en fin de compte! que tous les films bien pensants auxquels il a été fait allusion. Et sur l'identité, surtout: non, ce qu'on est en naissant ne nous prédispose pas à être dans le camp des "bons" ou celui des "méchants".
Tina (Eva Melander) est douanier, au sein d'une douane maritime. Elle est douée d'un étrange sixième sens: elle "sent" les odeurs (peur, culpabilité....) qui montent du corps d'une personne en infraction. Ses babines frémissent..... elle ne se trompe jamais. Elle est évidemment fort appréciée, et ses supérieurs ont tendance à lui demander à en faire plus: par exemple à s'impliquer dans un trafic d'image pédo-pornographiques. A part cela, elle vit en forêt, partageant sa petite maison avec un zozo (Jörgen Thorsson) uniquement préoccupé par son élevage de Rottweilers (méchants) qu'il présente à des concours de Rottweilers (méchants). Elle a un contact étrange avec la nature, qu'elle parcourt pieds nus, de ses grands pieds de hobbit.... les élans, les renards, au lieu de s'enfuir viennent se faire caresser. Et puis, elle est laide. D'une laideur insoutenable. Avec ses petits yeux enfoncés sous des arcades sourcilières saillantes, elle ressemble plus à un pithécanthrope qu'à un humain. Et voilà que se présente quelqu'un qui lui ressemble, Vore, (Eero Milonoff).... mais qui ne transporte rien d'illicite -à part des vers de terre... Tina n'a jamais été amoureuse, d'autant qu'elle a, heu..... une particularité physique.
A voir absolument parce que c'est absolument original! A la fois intriguant, comme tous les films fantastiques bien ficelés, et humaniste, profond. Et rendons hommage aux deux acteurs qui ont su malgré leur masque de silicone (qui devait être difficilement supportable...) à donner tant de vérité à leurs personnages.