Né au Caire il y a 33 ans, A.B. Shawky est égyptien par son père et autrichien par sa mère. Une mère cinéphile qui lui a fait découvrir le cinéma indépendant, en particulier le cinéma iranien. Cela l’a conduit à étudier le cinéma, en Egypte d’abord, puis à New-York. Il y a 10 ans, la réalisation de son premier film, un documentaire de 15 minutes, l’avait conduit dans une léproserie située à deux heures de route au nord du Caire. Les rencontres qu’il a faites lors de ce tournage lui ont donné l’idée de consacrer son premier long métrage de fiction aux opprimés, aux exclus, à des gens qui, malgré tout, arrivent à s’en sortir. On peut parier que lorsqu’il a commencé à penser à ce film, il n’imaginait pas concourir un jour à la Palme d’or du Festival de Cannes …
Beshai est un lépreux. Un lépreux guéri, un lépreux qui, certes, n’est plus contagieux mais qui garde sur son corps les stigmates de la maladie. Son père l’avait amené jeune dans une léproserie et il n’est jamais venu le rechercher. Beshai est chrétien. C’est également un homme marié, mais sa femme souffre d’une maladie mentale et elle est internée dans un asile proche de la léproserie. Pour gagner sa vie, Beshai passe ses journées dans une montagne de détritus afin d’y trouver du matériel qu’il entasse dans la carriole que traîne Harly, son âne, matériel qu’il essaye de revendre au meilleur prix. Un gamin s’est attaché à lui, il s’incruste auprès de lui avec obstination, il a une dizaine d’années, il est nubien, il est orphelin et il prétend s’appeler Obama. Lorsque son épouse décède, ayant rencontré la mère de celle-ci et constaté ses regrets de ne pas avoir visité sa fille durant de longues années, Beshai décide d’entreprendre le voyage qui lui permettra, espère-t-il, de retrouver sa famille avant qu’il soit trop tard. Un long voyage qu’il va faire avec son âne et sa petite charrette. Avec Obama, également, le gamin arrivant à s’incruster une fois de plus. C’est ce voyage que raconte "Yomeddine", un voyage plein d’aléas et de rencontres, un voyage qui va souder encore davantage les liens entre Beshai et Obama et leur faire regarder le monde avec des yeux tout neufs.
Cannes n’est pas une ville connue pour ses miracles. En mai dernier, pourtant, un miracle s’est produit sur la Croisette : un « petit » film égyptien, ayant comme principaux interprètes un lépreux et un gamin de 10 ans, s’est retrouvé en lice pour l’obtention de la prestigieuse Palme d’Or. Certes, "Yomeddin"e est reparti bredouille, mais ce film attachant et généreux a profondément marqué le public et il a, depuis Cannes, reçu des récompenses dans un grand nombre de festivals.