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Yves G.
1 461 abonnés
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1,5
Publiée le 13 juin 2018
Comme dans ses précédents films, Jafar Panahi se met en scène. De moins en moins contraint, ou de plus en plus audacieux, il quitte le cocon protecteur de son appartement ou de sa voiture depuis lequel il avait tourné Ceci n'est pas un film et Taxi Téhéran. Comme Abbas Kiarostami, son maître, il part en province, dans l’Azerbaïdjan iranien en compagnie d'une actrice à succès (Behnaz Jafari elle aussi dans son propre rôle) qui a reçu un appel à l'aide d'une jeune fille. Celle-ci s'est-elle suicidée ? ou a-t-elle imaginé un simulacre pour attirer sur elle l'attention? Le suspense dure la moitié du film ; mais, une fois qu'il est levé, Trois visages est privé de toute tension, de toute intrigue.
On y voit donc deux citadins, Jafar Panahi et Behnaz Jafari (fantastiquement belle mais terriblement mal fagotée), sillonner en Pajero un hameau azeri. Ils croisent les autorités du village, la famille de la disparue et une vieille femme, qui fut actrice de cinéma avant la Révolution et qui est recluse dans sa maison depuis lors. On voudrait nous faire passer la précarité du tournage pour de la spontanéité quasi-documentaire, quelques scènes de groupe pour un travail anthropologique sur le patriarcat toujours vivace de l'Iran profond, d'interminables plans séquences filmés derrière un pare-brise sale pour un road-movie plein de poésie. À l'écran, le résultat est une chronique sans rythme d'un village sans intérêt.
Jafar Panahi n'a jamais été aussi fécond que depuis qu'il est bâillonné par le pouvoir iranien. Condamné en 2010 à une peine d'emprisonnement de six années qu'il n'exécute pas tant qu'il tourne de films, il en a tourné depuis sous le manteau pas moins de quatre qu'il a réussi à faire diffuser en Occident où ils ont tous connu un vif succès : "Ceci n'est pas un film" (2011), "Pardé" (2013), "Taxi Téhéran" (2015) et aujourd'hui "Trois visages" (2016).
À quoi le réalisateur doit-il un tel succès ? À la morgue crâne avec laquelle il tient tête au régime des mollahs ? Ou à la qualité intrinsèque de ses films qui sont autant de témoignages sur l'Iran contemporain et d'hymnes à la liberté humaine ?
C'est la question que suscite "Trois visages". Qu'il faille bien entendu défendre Jafar Panahi contre la condamnation inique dont il fait l'objet, cela ne fait aucun doute. L'homme, la démarche, le courage méritent notre sympathie et notre soutien. Mais de là à lui réserver à chacun de ses films des éloges obligés, il y a un pas que l'objectivité empêche de franchir.
Film très lent, histoire très simple, avec d'interminables plans séquences et des cadrages serrés. C'est par ces moyens et en suivant cette route perdue que Jafar Panahi pénètre dans l'autre Iran, très loin de Téhéran et du XXIe siècle. Jafar Panahi filme des individus enfermés, empêchés de vivre leur vie, comme lui. Jafar Panahi est toujours assigné à résidence par le régime des mollahs.
Une réalisation pleine d'humilité et de simplicité, au service de son récit et de ses personnages. Ces 3 visages de femmes artistes, passée, présente, et future, renvoient à ceux de l'Iran que Jafar Panahi nous fait découvrir : bienveillant, hypocrite et figé dans l'obscurantisme. Le réalisateur filme avec tendresse, et peut être une certaine nostalgie, ces paysans iraniens tantôt sages et tantôt aveuglés par leurs croyances. Il en ressort un film d'une justesse formidable, et c'est une prouesse d'autant plus louable quand on connait la situation des protagonistes.
Comme il y a un cinéma hollywoodien, bollywoodien, italien, le cinéma iranien a des couleurs, des rythmes, des rites bien à lui, quand par exemple les voitures sont des lieux incontournables de tournage. Une vedette de série télévisée, inquiétée par un message filmé qui lui était adressée, doit se rendre dans un village azéri. Le réalisateur est au volant. Les deux citadins sont confrontés aux traditions qui mènent le pays . Les récits légendaires étouffent les énergies juvéniles, en particulier celles des femmes. Loin des préoccupations parisiennes où le féminisme joue des terminaisons orthographiques, dans ces collines arides, l’essence même de la vie est mise en jeu par portable interposé. Par des routes défoncées, nous passons de cours fermées en places publiques où les foules se méprennent sur la nature de celui qui pourra les sortir de la misère. Leur mépris envers les saltimbanques entre en contradiction flagrante avec l’aveuglement à l’égard de leur sauveur présumé parce qu’ils l’ont vu « dans le poste » de télévision. Le courage de ce film est souriant, subtil. Les notations variées ne brouillent pas l’essentiel d’un message fort, au contraire. J’aurais bien remis la palme cannoise au plus libre des réalisateurs, histoire de retourner dans ce fascinant pays dont il ne peut sortir.
C'est loin d'être le premier film traitant du sujet brûlant et capital des libertés des femmes dans les pays du moyen et du proche Orient. Il fait écho au combat des femmes libanaises qui veulent enfin faire tomber le voile et la domination masculine. L'histoire est ici bien menée, les acteurs sont vrais et sincères. Certes on découvre un peu vite le fond de l'intrigue, mais l'histoire continue, malgré quelques longueurs (nécessaire pour bien poser les choses) il offre un beau visage des villages iraniens, qu'on retrouve d'ailleurs dans certains coins un peu reculés d'Europe. La cohésion des groupes, de culture orale, est du ressort des anciens, et l'on voit bien dans "Trois visages" que ceux-ci, in fine, sont capables d'une ouverture qui semblent inaccessible aux plus jeunes hommes; qui ont tendance à entrer dans la radicalité. Ce film de Jafar Panahi est un témoignage simple et sincère, plein de pudeur et de respect pour un peuple traversé de profondes évolutions. Il s'ajoute à d'autres, comme le très récent "Razzia", ou encore "My sweet pepper land" et tant d'autres, qu'ils seraient indispensables à montrer au plus grand nombre afin de lutter contre les obscurantismes religieux qui s'installent avec force un peu partout. Car l'enjeu est bien celui des égalités entre les sexes et du pouvoir de l'intelligence et de la culture, meilleurs outils des libertés de chacun.
Ce film remarquable mérite amplement son prix à Cannes. C'est d'un très grand intérêt, dénonciateur comme il faut, et captivant. Ce long métrage m'a sérieusement interpellé à bon escient. Du début à la fin, j'ai suivi cette histoire avec une grande attention et j'en suis ressortie contente.
Le rythme du film correspond à une temporalité différente de celle de la vie parisienne. Pour ma part, je trépignais parfois d'impatience, mais j'ai savouré ce roadmovie à la dimension anthropologique. Il y a dans ce film un acte politique, un acte d'affirmation qui revendique le droit d'exister en tant que saltimbanque. Je reste toujours perplexe et déconcerté qu'au nom de dieux, on puisse empêcher de penser, de dire, de montrer, de mettre en scène. Ce qui est particulièrement bien montré dans ce film, c'est avec quelle délicatesse, hommes et femmes peuvent communiquer. Il y a un contraste entre la brutalité, la rudesse de l'intolérance et les échanges parfois subtils, qui s'opèrent. Lorsque ce vieil homme discoure avec l'héroïne du film du prépuce de son fils et des croyances, qui l'accompagnent, on mesure l'écart entre ce vieil homme et la grosse brute de frère de la jeune fille, moteur de l'histoire. Ce frère vociférant son intolérance et totalement soumis au qu'en dira-t-on du village donne une coloration nettement pathologique aux fondamentalismes, qui président encore en Iran. C'est aussi l'occasion de voir que le voile n'est pas porté à l'identique en Iran : plus grand, plus enveloppant, il n'enserre néanmoins pas le visage, ni ne masque les cheveux féminins. Que s'est-il donc passé pour que nous imaginions en 1978 le départ de Neauphles Le Château de l'ayatollah Khomeini, comme l'arrivée d'un libérateur en Iran. Le révolutionnaire n'apportait que l'islam réducteur de libertés et de droits.
Mes amis et moi avons été très déçus par le dernier film de Jafar Panahi ; après les bijoux que sont "Le cercle" et "Taxi Téhéran " ce "trois visages" est une vraie déception. Les protagonistes, dévitalisés, semblent découvrir les moeurs de la société patriarcale iranienne et ses coutumes païennes. Pas nous ! Depuis le magnifique "Yol" de Yilmaz Güney (pas assigné à résidence mais en prison) nous sommes touchés, souvent révoltés par ce que subissent nos voisins orientaux. Il y a peu le magnifique " Mustang" ou "Wajda" nous ont émus aux larmes et fait vibrer devant la beauté des personnages et la cruauté des situations surtout vis à vis des femmes. Mais là, pas d'émotion, pas de découvertes, des longueurs pénibles et de l'ennui.
Faut-il, puisque Jafar Panahi, est constamment querellé et martyrisé par le régime iranien, trouver merveilleux tout ce qu'il tourne en bravant les interdits qui lui sont opposés ? Certes, il n'est sans doute pas aisé d'écrire quelque scénario que ce soit, de le mettre en scène et de le tourner dans la clandestinité (encore que ça devait bien se voir qu'il tournait ou alors la surveillance organisée par le régime ce n'est plus ce que c'était !). Mais de là à justifier le Prix du scénario, c'est seulement de la bonne conscience comme on aime s'en donner du côté de Cannes. Car ce film est surtout bavard, long et ennuyeux. Le message politique se résume à une métaphore autour d'une route sinueuse et étroite. Les villageois ont fini par fixer une règle pour les croisements. Mais la règle change tout le temps. Et l'une des héroïnes qui se serait bien vu prendre sa pelle et sa pioche pour élargir le chemin se voit traiter d'écervelée. C'est ce qu'il y a à méditer longuement. C'est déjà ça. "Taxi Téhéran" (2015) que j'avais noté 4 étoiles était autrement plus démonstratif.
Ce film est un peu le "Taxi Téhéran" version campagne du même Panahi. Même faux road movie ou la voiture constitue une des principales scènes, même rencontre avec des Iraniens qui nous permet de rencontrer la diversité et la complexité de ce pays. Mais le film est plus lent, moins dynamique, moins choral que Taxi Téhéran. Vu le thème de départ cela aurait pu être le contraire. Dommage.
Encore le genre de récompense cannoise "politique" pour ce tout petit film sans prétention et sans grand intérêt non plus. ( Tout cela parce que le cinéaste est personna non grata dans son pays) . Beaucoup de plans fixes interminables , pour cette non-histoire.. Quel culot de donner le "Prix du Scénario " pour un film qui n'en a justement pas . Un synopsis archi -simple : une video sauvage d'une fille soit disant disparue et dont deux intellos de Téhéran décident de partir à la recheche . S'en suivra une galerie de portrait de paysans , d'une contrée éloignée à la bordure de la Turquie. Des paysans donc, sympathiques , acceuillants, (pourquoi en serait- il autrement ) : celui qui transporte son taureau mourant, le collectionneur de prépuces, l'ancienne star du cinéma sous le Shah . Un final opaque et incompréhensible avec un plan fixe de 10 mn sur la campagne , soporofique et abscons..
Avec pas mal d’humour et en dépit de quelques redondances, Trois visages s’affirme comme le cri du cinéaste dans le désert du silence que son pays tente de lui imposer.
comment faire du Cinéma avec presque rien ? voici une leçon pour les 4/5 de l'industrie du cinéma français (et pas que) qui, même si basée sur la Bible du Scénario et de l'universalisme, ne produit que des téléfilms ou des comédies à l'eau de rose... ici il y a juste la vraie vie qui explose sur l'écran et on est scotchés; tout y est beau, même si on peut s'imaginer que ça a été filmé quasiment à l'arrache, ça relève du miracle.
J'ai un peu l'impression que les critiques jugent plus le contexte politique (interdiction du cinéaste dans son propre pays) que l'oeuvre elle même. Si le scénario donne envie, sa mise en espace, en scène, laisse le spectateur sur sa faim. Résultante de la fameuse interdiction ? Possible, mais l'ensemble est un peu statique, la caméra étant le plus souvent le point de vue à travers le véhicule transportant les deux personnages. Document ethnologique sur l'Iran profond, les interactions villageois-citadins sont les plus intéressantes. Le reste est finalement secondaire. Au final une oeuvre hors norme, inaboutie mais sympathique.
Peu enthousiaste pour Taxi Teheran que j'avais trouvé "inégal" selon les sketches, cette fois j'ai apprécié le ton plein de légèreté, de distance, utilisé par Jafar Panahi, même quand il nous raconte une histoire dramatique..... Il nous montre deux facettes de son pays, totalement décalées: - Le monde moderne avec le cinéaste, la star locale, le 4X4 à la recherche de cette ado qui rêve....d'Hollywood! - L'Iran profond et sa ruralité où Panahi "sourit gentiment" des traditions qui peuvent nous sembler d'un autre temps. Son regard semble toujours bienveillant...