Avec « Damien veut changer le monde », Xavier de Choudens propose une comédie que certains auront beau jeu de caser dans la petite case du « politiquement correct ». On peut évidemment taxer son film d’une certaine naïveté, voire de concéder que sous certains aspects, il cède un tout petit peu à la facilité mais s’il y a bien quelque chose à mettre à son crédit, c’est que « Damien veut changer le monde » est une comédie douce-amère plutôt réussie. Le film de Xavier de Choudens navigue dans les eaux des comédies de Michel Leclerc comme « Le Nom des Gens » par exemple, c'est-à-dire qu’il utilise la comédie pour traiter d’un sujet grave et clivant (quoi qu’on en dise) : le délit de solidarité. Dans sa forme, « Damien veut changer le monde « est certes une comédie mais pas seulement, c’est drôle bien-sur, mais on n’est pas dans une comédie franche où l’on s’esclaffe toutes les deux répliques. Ici, on sourit plus qu’on ne rit à gorge déployée parce que le sujet de fond est malgré tout d’une grande gravité. Le sort des sans papiers, le périple des réfugiés, la douleur du deuil, de l’exil, la sécheresse aussi d’une bureaucratie française qui a osé accoler les deux mots incompatibles de « délit » et de « solidarité » dans un même texte de loi, toute cette toile de fond n’incite pas à la comédie pure. Le film de Xavier de Choudens passe tout seul, sans jamais baisser d’intensité, alternant les scène de comédie avec des scènes de tendresse, et puis des scènes plus lourdes, filmées et dialoguée avec une grande pudeur. Dans sa forme le film est réussi, on sort de la séance sans avoir vu passer les 1h40, on a beaucoup sourit, on a eu aussi l’œil un peu humide, le contrat est rempli. Au casting, il y a un des mes acteurs favoris, un des comédiens les plus attachants de cinéma français : Franck Gastambide. Depuis « La surface de Réparation », on sait que Franck est désormais capable de porter un film sur ses épaules musclées, on sait aussi qu’il est capable de s’aventurer hors de la comédie pure pour montrer l’étendue de son panel. Dans « Damien veut changer le monde », il incarne dans le ton qui convient un type normal, qui laisse parler son humanité de façon maladroite (très maladroite même) mais dont la sincérité et le désintéressement saute aux yeux et touche en plein cœur. A ses côtés, il y a des jolis seconds rôles, qui auraient peut-être mérité un peu plus d’écriture, comme ceux incarnés par Gringe, Melissa Sözen, Patrick Chesnay ou par l’étonnante Camille Lellouche. Cette dernière, capable de tous les excès dans ses one-woman show, fait preuve ici d’une vraie retenue et d’une vraie pudeur, surtout quand elle laisse entrevoir sa fragilité : c’est avocate qui en impose mais qui en fait, dissimule une vraie angoissée qui doit se rassurer avec des fiches qu’elle « révise » avant ses procès, comme si elle étaient encore au lycée. Le scénario de « Damien veut changer le monde » n’est pas d’une audace folle ni d’une originalité échevelée, c’est vrai. On sent venir le dénouement d’assez loin, on le trouve une peu « facile » et un peu « gros », c’est vrai aussi. La petite histoire d’amour qui va bien et qui rattrape Damien n’est pas non plus très inhabituelle, c’est aussi vrai. On peut penser qu’en choisissant une réfugiée syrienne comme point de départ, le scénario joue la facilité. S’il y a bien un pays au monde aujourd’hui dans lequel on sait qu’on y risque sa vie c’est bien celui-là, du coup l’empathie fonctionne à plein. Surtout que Salma est seule, pas religieuse, plutôt travailleuse, plutôt jolie, bref : elle coche toutes cases pour attendrir Damien… et le spectateur. Du coup, même si le film fonctionne on aurait aimé un peu plus d’audace dans le propos, on aurait aimé être un peu plus bousculé par le film, un peu plus dérangé, un peu plus ému aussi. On a, et c’est un peu dommage, l’impression d’un film qui ne fait qu’effleurer son sujet, qui reste en surface bien sagement, au lieu d’appuyer franchement sur la zone douloureuse. Même si il est difficile de comparer, on pense invariablement à « Welcome » de Philippe Lioret, qui abordait le même sujet mais sous l’angle du drame et qui avait fait bouger les consciences, à l’époque. Malgré ses très bonnes intentions, « Damien veut changer le monde » ne le changera pas, le monde ! Il ne changera pas non plus le cinéma, mais ce n’était pas son ambition, je crois. « Damien veut changer le monde » veut faire passer un tout petit message d’altruisme et de solidarité par le biais de la comédie, dans une France qui se referme comme une huitre et qui oublie ses valeurs. L’objectif était modeste, mais l’objectif est rempli !