Beau film, mais une chose est sûre, le spectateur n’est pas épargné par les longueurs et les répétitions.
Lara est entourée par une équipe médicale attentive et une famille bienveillante. On comprend que son père vient de déménager la famille pour lui permettre d’entrer dans une meilleure école de danse, et, probablement, de quitter l’ancienne où son changement de sexe était mal accepté par ses camarades.
Pourtant, malgré l’entrée dans cette nouvelle aire que ce père annonce avec optimisme à toute la famille rassemblée pour l’anniversaire de Lara, les jours se succèdent et le corps reste désespérément semblable à lui-même… Comme en témoigne les longues confrontations silencieuses de Lara avec son miroir, mais aussi la succession de rendez-vous médicaux, de répétitions de danse et de scènes de la vie quotidienne du foyer dans lesquelles on ne perçoit pas de véritable progression pendant la première moitié du film.
Pourtant, les choses changent peu à peu. L’apprentissage de Lara est douloureux car elle doit rapidement s’adapter au travail classique féminin, notamment aux pointes. Malgré cela, elle parvient à recevoir le soutien de ses professeurs, d’abord hésitants. Ceci au moment-même où sa transformation complète en femme devient pour la première plausible, bien qu’encore inaccessible, les médecins lui promettant l’opération dès qu’elle sera physiquement prête. L’adolescente semble ainsi peu à peu tomber dans le fantasme dangereux que le travail et l’abnégation suffisent pour donner au corps sa forme désirée et légitime. La souffrance inhérente au processus devient nécessaire, et toute forme de complaisance à soi une marque de faiblesse. Son corps, dont la vision est omniprésente (les filles passent leur temps en justaucorps devant des miroirs, en sous-vêtements dans les vestiaires et les douches, etc), semble à la fois de plus en plus fascinant, et de plus en plus distant. Ceci jusqu’à la fin dramatique du film
, où une mutilation atroce est acceptée comme l’unique et nécessaire solution pour sortir de la répétition du même
.
On apprécie l’originalité de cette étrange forme de distanciation à soi, mise en scène de manière très épurée, car le choix est fait de limiter les intrigues parallèles : quelques scènes reprennent les motifs classiques de l’incompréhension des pairs, des moqueries publiques, etc. Un propos millimétré et cohérent, donc, mais on s’ennuie parfois : le film se répète, le jeu du personnage principal est froid et tout en réserve, les dialogues rares et assez banales, les plans de danse entièrement organisés autour de Lara (ils tournent et deviennent imprécis au fur et à mesure que Lara peine à maîtriser la souffrance de ces pieds, etc), enfin, font peu de concessions à la beauté de la photographie.