J’avoue avoir été époustouflé par la prestation de Victor Polster en Lara. L’acteur n’est pas transgenre mais Lukas Dhont, le réalisateur, a su voir dans ce visage, (féminin) Lara. Lara née Victor dans le film fête ses 16 ans. Avec la bienveillance de son père (Arieh Worthalter), Lara se prépare à devenir une femme à part entière. Et si la transformation tarde à venir, son père lui rappelle tout comme l’équipe médicale que Lara ne doit pas brûler l’étape de l’adolescence. Ce corps féminin parti avec du retard nécessite de la patience. Justement, Lara semble impatiente et irritée par ce corps masculin qu’elle ne supporte plus. La détermination de Lara est non seulement courageuse (comme le rappelle son père) mais elle se conjugue avec une passion extrêmement difficile : la danse classique. Non seulement Lara suit avec application tout le protocole qui l’amènera à devenir femme, c’est-à-dire à transformer son corps mais ce corps est mis à mal à travers ses cours de danse classique. On sait ô combien la danse classique pratiquée avec rigueur peut être synonyme de souffrance surtout que Lara a l’ambition de devenir danseuse étoile. Un corps encore masculin quelque peu raide soumis à des exercices que le corps féminin peut endurer. En soi Lara est confrontée à deux redoutables difficultés, à deux souffrances. Elle aurait pu choisir une autre discipline artistique où le corps ne serait pas mis à rude épreuve. Mais le choix de la danse classique n’est-il pas à bien considérer, la représentation parfaite du corps féminin, de la féminité, ce vers quoi se focalise Lara. En ce qui me concerne, je n’ai pas trouvé le temps long, la répétition des scènes de danse où la caméra se colle au plus près de Lara nous traduit sa souffrance, sa détermination, son obsession, sa rage sourde, contenue à décrocher son graal. Scènes indispensables. Par moments, il y a des pastilles du quotidien comme au réfectoire, une respiration décontractée avant de débuter un cours de danse. C'est délicatement filmé. Evidemment, j’ai été aussi surpris et agréablement de constater que le père acceptait cette transformation avec bienveillance. Pour une fois, on ne nous donnait pas à voir des parents qui refusaient avec dégoût et horreur la transformation de leur enfant, avec une mère qui pleurait dans un coin du salon. Pas de conflit, pas de religion qui s’invitaient dans le débat. Pas de moralité de comptoir. Je sais, c’est cliché mais tellement vu. Certes, on aurait aimé en savoir davantage sur la réflexion-source de Victor ; connaître les premiers sentiments du père à l’annonce de cette décision. Mais après tout, je me suis vite aperçu que je m’en moquais. On est vite plongé dans le coeur du thème. Un coeur apaisé puisqu’on sait rapidement que cette transformation semble avoir été en amont longuement discutée et acceptée. Comme je me suis interrogé sur l’absence de la mère. Mais là encore, quelle importance. On ne peut pas toujours nous détailler le menu. On suit une simple chronique, celle de Lara à travers son impatience, sa souffrance, aux côtés de son père qui tente de l’accompagner dans son parcours, de son petit frère et des danseurs ; et tant pis pour les absents. Je finirai par là où j’ai commencé : ce jeune acteur Victor Polster a su remarquablement retranscrire toutes les expressions féminines. Un acteur débutant qui continue la danse mais qui a su avec talent se mettre à nu et physiquement et émotionnellement. Un film poignant et réussi. Lukas Dhont un réalisateur à suivre.