Le thème du double semble fasciner le septième art depuis des décennies et inspirer bon nombre d’œuvres plus ou moins célèbres ou obscures. Que ce soit par le biais de la gémellité, par l’intermédiaire du clonage ou même le double psychologique et fantasmé, beaucoup de longs-métrages semblent avoir, de près ou de loin investi ce sujet. De Cronenberg à De Palma et Lynch en passant par Villeneuve, Nolan ou encore Fincher, pléthore de grands cinéastes ont voulu traiter du double avec des résultats souvent mémorables et figurant au panthéon du septième art (« Faux-semblants », « Le Prestige », « Fight Club », « Mulholland Drive », ...), mais davantage dans le cinéma américain. « Foe », mis en scène par celui qui nous a offert le peut-être un peu surestimé et assurément très larmoyant « Lion » (avec le succès qu’on lui connaît), change encore une fois totalement de registre après sa biographie sur « Marie-Madeleine » passée complètement inaperçue. Ici, il tente une chose assez rare : une œuvre à la fois psychologique et poétique sur ledit sujet fondue dans un univers de science-fiction intimiste, entre approche apocalyptique et contemplative. Si ce film audacieux et peu commun n’est pas dénué de défauts, il diffuse quelque chose de beau et de rare qui approche la grâce et n’est pas loin de nous envoûter.
Déjà, hormis quelques figurants floutés lors de deux ou trois séquences, on ne verra que trois personnages et donc trois comédiens. Enfin presque, mais on n’en dira pas plus. Le spectateur est donc convié à suivre un couple de fermiers attachés à leurs terres alors qu’en 2065, période où se déroule le film, on cherche à faire vivre le maximum d’humains dans l’espace ou à coloniser car la Terre est exsangue. Dans ce contexte, un représentant du gouvernement vient leur proposer une formation gratuite pour une nouvelle vie ailleurs dans la galaxie. Durant cet entraînement qui lui est dévolu, elle va devoir rester seule à la ferme. On lui propose donc que son mari soit remplacé par son clone grâce à une toute nouvelle technologie. Pour cela, le représentant va devoir observer et côtoyer le couple pour que le double retranscrive parfaitement le comportement et les émotions du mari. Voilà pour les prémisses de l’intrigue.
Et si « Foe » est un peu long à démarrer et plat durant son premier quart, il finit par nous cueillir au fur et à mesure qu’il progresse. Petit à petit, doucement mais surement, il parvient même à nous hypnotiser par instants, nous plongeant avec curiosité dans son récit original. On passe par plusieurs genres sans vraiment en épouser aucun et chaque virage ou direction prise par le film demeure inattendue. Un peu comme un autre film de plate-forme sorti récemment avec le double en sujet principal (« Dual »). La science-fiction qu’on nous propose en arrière-plan peut se targuer d’un décor aussi désincarné et aseptisé que beau, où les choses du présent se marient à celles du futur. On obtient un résultat futuriste et rural en même temps qui ressemble à celui des passages à la campagne de « Blade Runner 2049 », le budget en moins.
Le film est presque en huis-clos et ne cherche jamais le spectaculaire, de toute façon ses moyens ne le permettent pas. Sa majeure partie est destinée aux moments d’étude de ce couple joué par une Saoirse Ronan très investie et un Paul Mescal époustouflant de fêlures, de doutes et de rage. Il prouve encore une fois que c’est l’un des acteurs les plus prometteurs de sa génération. En face, Aaron Pierre (découvert dans le très beau film canadien « Brothers ») est énigmatique et troublant. Leur valse à trois dans ce contexte inédit est intrigante. Et on se rend compte que, plus les minutes passent, plus « Foe » nous envoûte par sa poésie et ses envolées lyriques. Une scène à la fin du film (il aurait d’ailleurs pu se terminer là-dessus de manière belle et éminemment tragique) s’avère déchirante et d’une intensité dramatique incroyable. Cependant, un dernier quart d’heure nous offre une fin avec rebondissement un peu prévisible et pas forcément utile. Ici, on diagnostique le couple, le désir de la femme et le déni de l’homme tout comme on parle du futur alors que le mystère de cet observateur nous interroge tout à la fois. Davis nous a donc concocté une œuvre à combustion lente qui ne plaira pas à tout le monde et en laissera sur le côté mais qui ravira ceux qui se laisseront emporter par cette atmosphère éthérée.
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