Sur une plage, des jeunes dansent autour d’un feu. Ils chantent, échangent, improvisent des refrains sur leurs guitares. Une euphorie de musique et de liberté à laquelle se joint un garçon de 19 ans : Viktor Tsoï, aux faux airs de Jimmy Page et Jim Morrison, qui s’apprête à devenir une légende du rock soviétique au moment de la pérestroïka. On est à Leningrad, en 1981, et les élans créatifs de la jeunesse sont freinés par l’austérité régnante, l’anti-américanisme et la censure. Face à cela, Viktor, véritable icône nationale (il est encore très aimé aujourd’hui en Russie), romantique et amoureux de musique, incarne avec Mike, rocker qui le prend sous son aile, à la fois son influence et son rival, et Natasha, leur muse, tous incarnés avec grâce et charisme, une génération pressée d’exister et décidée à ne jamais cesser de s’exprimer.
Ce biopic inspiré casse les codes. Il peint un portrait flamboyant de la scène post-punk des années 1980 côté soviétique, quand les vinyles de Bowie se vendaient en cachette et que les paroles de Lou Reed et Blondie questionnaient une jeunesse en ébullition. La mise en scène, sublimée par un somptueux noir et blanc, est électrisante. Elle n’hésite pas à faire surgir des couleurs au détour d’un split-screen, et brille à travers de formidables originalités formelles : trois séquences clipesques, concentrés d’énergie à l’intérieur du récit, offrent des moments d’évasion qui contrastent avec le réel (geste de clôture ironique, elles se terminent par l’irruption d’un personnage déclarant que « malheureusement, ceci n’a pas vraiment existé »). Des éléments graphiques, façon dessin animé, accompagnent ces parenthèses (en)chantées qui font des lieux du quotidien des endroits du possible, où s’exerce une magnifique communion collective. (lire la suite : https://cultureauxtrousses.com/2018/05/27/cannes2018-leto-de-kirill-serebrennikov/)