Retardé, reporté, annulé. Chez Blumhouse, on trouve de tout et n’importe quoi, mais il s’agit parfois d’un chaos qui rayonne dans l’ombre. Craig Zobel, huit ans après l’éprouvant « Compliance », revient alors dans un survival qui n’en est qu’un juste par nécessité, juste par apparence. Il joue énormément sur les attentes et créer un décalage comique où on ne l’attendait pas et il s’agit sans doute du point le plus séduisant du projet. Avec Damon Lindelof et Nick Cuse au scénario, il serait possible de douter, mais c’est justement en empoignant notre courage et notre bonne volonté que tout cela se reflètera dans une œuvre moqueuse et modeste. La série « Watchmen » en témoigne, essentiellement sur sa créativité, mais sur une durée limitée.
Tout repose sur un concept simple, celui de la surprise. Parler du casting en lui-même ne serait pas pertinent. Il faudra passer par-dessus et se concentrer sur ce que dénonce cette tuerie à la fois décomplexée et jouissive. En remaniant les codes de l’horreur, comme « La Cabane dans les bois » notamment, le ridicule devient une arme utilitaire afin d’exposer toute une névrose de la société actuelle. L’humain est au centre du sujet, mais son étude constitue tout l’objet de cette fameuse chasse. Plus l’intrigue avance, plus cela devient évident et plus il faut renouveler les enjeux, ce que le film réussi, malgré le fait qu’il recycle énormément de références, tout en jonglant avec de l’action sanglante mesurée à la pipette.
Ces directions n’épousent pourtant pas la polémique sur la violence dont on l’accuse à outrance. Au contraire, le film ne prend pas de position entre l’élite et les marginaux et laisse justement émerger toute la bêtise humaine, une fois qu’on lui laisse l’opportunité de s’armer et d’avoir un pouvoir sur la vie et la mort. Ça vole alors dans tous les sens et le récit n’a guère de pitié. Il n’y a rien de personnel, que du dommage collatéral aux cotés de survivants qui ne cherche pas plus à évoluer dans une quête identitaire ou d’émancipation, non. Tout le monde campe sur des positions qui cristallisent les personnalités, tantôt intuitives, tantôt plus subtiles qu’il n’y parait.
Le ridicule ne tue pas, Zobel l’a compris. « The Hunt » est d’une étonnante précision, du moins dans une première partie qui ose le détournement et la dérision à outrance. Il peut en déconcerter plus d’un, mais c’est sur la durée qu’il prend sens et qu’il dévoile que la liberté d’expression est saturée, voire censurée de nos jours. Chaque étincelle devient une torche, enflammant des foyers de rages et d’incompréhensions. Plus rien ne va dans une époque où l’hypocrisie domine tout autant qu’un capitalisme juteux et pourtant humilié sur ses propres principes. La narration repose également dessus, en détournant les enjeux qui préoccupent notamment les Etats-Unis et la gestion des crises sociétaux. Il n’y a donc pas de proies en particulier, mais uniquement des prédateurs dont l’impossible cohabitation est illustrée avec clairvoyance et divertissement.