Je suis allé par hasard voir ce film aux 7 parnassiens, très curieux à priori de la psycho-généalogie. Alors, un film documentaire sur un sujet intéressant donne t-il de fait un film intéressant ? Hélas non.
On peut dire que j'ai même été choqué par ce film (financé de surcroît par le CNC et région Rhône-Alpes notamment !)
La réalisatrice tente ici d'aborder le sujet en utilisant les codes et esthétique de la fiction, "pour rendre ce sujet difficile plus accessible pour le public" dit-elle. Pourquoi pas, mais c'est ici hélas un prétexte "pirouette" qui montre surtout l'incapacité de celle-ci à le traiter. Celui-ci est hélas abordé avec une légèreté, approximation et inconsistance dérangeantes. Le choix de 3 histoires qui se croisent et avancent progressivement dans le récit, illustrées par de très jolis plans maîtrisés et une musique efficace nous mettent face à un film fictionné de bonne facture. Mais les personnages mis en scène ne sont hélas pas comédiens, ils ne parlent jamais (parti-pris d'entendre simplement la voix de chaque témoignage lu en off) et sont donc réduit à figurer froidement, comme désincarnés, présentés souvent comme absents, immobiles, procédé néo-introspectif joli esthétiquement mais qui vide le film de toute émotion, la parole froide, lue, apparaît comme un surgelé passé aux micro-ondes émotionnelles et prêt à consommer. Cette instrumentalisation maladroite de ses personnages crée le malaise, d'autant qu'ils se livrent plutôt de façon entière et sincère. Quel dommage. Le petit débat post-film, en présence d'une psycho-généalogiste, apporte un peu de matière, de savoir, d'éclairage sur le sujet, ce qui est en partie la fonction du genre documentaire et qu'occulte la réalisatrice.
Finalement, en adoptant le "ni-ni" via cette forme hybride, celle-ci esquive les difficultés, et du genre documentaire (creuser un sujet de fond) et de la fiction (direction d'acteurs/ jeu et scènes narratives construites). Pour cela, c'est une prouesse !
Pour conclure, lorsqu'on s'attaque à un "vrai" sujet, je crois qu'il faut essayer, par respect, de faire un film "vrai", un film honnête, sincère, ce qui, et ce n'est qu'un ressenti personnel certes, semble ici cruellement faire défaut.
La présentation d'un teaser sur son prochain projet de film, un tour du monde sur le sujet de l'amour comme solution à la planète avec pour titre "j'aime donc je suis" enfonce le clou. Le sujet et son ambition s'avèrent d'entrée si vastes à porter pour de frêles épaules que l'on redoute fortement que ce sujet opportuniste, très dans l'ère du temps (après les feel-good movies, voici les think good movies !). Son traitement, toujours esthétiquement réussi, lui permettra sans difficultés je pense de solliciter des financements (objectif du teaser) auprès d'Ikea par ex ou toutes autres marques qui concourent in fine à siphonner habilement des valeurs consensuelles et occuper un territoire de communication d'abord à des fins mercantiles.
Mais dans notre société où tout s'achète, la rigueur intellectuelle et le talent n'ont heureusement pas de prix.
On lui souhaite néanmoins (car nous ne sommes qu'amour !) un bon tour du monde "documentaire" et d'en faire un bon et vrai film, où elle pourra traiter ces choses simples de façon la plus complexe.