Créer un imaginaire des plus fantasque, des plus loufoque possibles dans un environnement bien réel caractérisé par l’ennui mêlé d’une cruauté sans nom, est bien là toute la volonté et l’engagement du nouveau film de Miranda July du nom de Kajillionnaire, une quête du fantastique par les rêves pour s’évader de la misère de ce que contraint la vie. Le film raconte ainsi l’histoire d’une famille obligée de vivre dans un open-space abandonné, condamné à enlever de la mousse s’échappant des mûrs à cause d’une usine voisine, mais surtout soumise au malheureux destin de survivre par les magouilles les plus misérables. Pour ce faire, leur fille unique, Old Dolio, doté d’une insensibilité et d’une froideur frappante, a été entraîné toute sa vie par ses parents dans ce domaine, mais sa routine et sa vision de la vie sera bouleversée lorsque la belle famille fera la rencontre de Melanie pour les aider dans leurs quêtes.
Le film a donc choisi comme parti pris d’insérer, que ce soit par des personnages, les actions de ceux-ci, ou l’intrigue en générale, des décalages burlesques très marquants par rapport au monde sérieux dans lequel ils vivent. Ainsi, chaque personnage de la famille a ses caractéristiques propres, et comme on les suis pendant la presque totalité du récit, leur développement nous est très intéressant, on s’y attache progressivement, donnant encore plus d’impact pour chaque élément qui survient, qu’il soit plein de tendresse ou purement comique. Les autres personnages secondaires sont également très bien amenés, chacune de leurs interventions fonctionne, toujours avec cet esprit de décalage plein de surprise à chaque fois, excepté peut-être le personnage de Melanie mais où la dimension émotionnelle prend le pas sur le reste. En effet, Kajillionnaire n’est pas une pure comédie mais offre une réelle histoire attachante où le contraste de mode de vie de cette dernière avec la protagoniste sont touchants, amené avec subtilité par leur différente manière d’aborder le monde, que ce soit par l’extravagance ou la recherche plus simple du bonheur, et donne une dimension encore plus grande au film lorsque ceux-ci cohabitent.
Ce parti pris a cependant comme conséquence de nous laisser un peu en dehors au début du film où l’univers décalé nous intrigue sans pour autant définir une ligne directrice des personnages et de ce que le film semble raconter. En effet, toutes les attitudes burlesques et totalement extravagantes des personnages participent à mettre en place un univers vraiment plaisant à regarder sans pour autant permettre de se projeter rapidement dedans tant les objectifs et les manques intérieur des personnages sont peu clairs. En effet puisqu’ils sont humains mais ne paraisse pas fonctionner comme nous, c’est pourquoi on ne sait pas très bien où le film veut en venir au début, nous obligeant à un petit temps d’adaptation à l’œuvre mais qui en vaut largement la peine. Par la suite, les enjeux et péripéties deviennent de plus en plus passionnante tant on apprécie observer ce monde à part, en total rejet de la société, où toutes les blagues fonctionnent et participent à l’ambiance touchante du film qui en fait une œuvre aboutie, tendre et même revigorante par son positivisme final et sa fraîcheur remarquable.