Miranda July s’efface enfin de l’écran dans son troisième long-métrage et promet d’y intégrer toutes les saveurs de son univers, décalé entre l’absurde et la réalité. Et au détour de la fable maternelle qui véhicule cette nouvelle découverte, on y découvre une famille marginale, mais pas pour autant affaiblie. La loi de la jungle impose des décisions plus ou moins foireuses dans ce cadre familial mystérieux. Et de cette question identitaire, naît une savoureuse quête de la normalité, face aux modes de vie sociaux d’aujourd’hui et face aux sentiments que l’on pourrait amputer par le mensonge et le braquage. La réalisatrice s’appuie habilement sur la déontologie profession, qu’elle l’assimile aux traditions familiales, ce genre de coutume qui la rend unique mais qui l’égare également dans ses propres motivations.
L’étrange fait ainsi partie de cette vie de misère, d’un trio de mère, père et fille, dans des banlieues californiennes qui le rejettent, faute de moyens et faute d’une mentalité qui établit des premières barrières. Quelques cascades un peu trop chorégraphiées ou des tremblements de terre redondants suffiront à définir les limites de ce mode de vie, qui prêche le succès, avant même goûter à l’espoir. Et c’est au milieu d’une supervision parentale superflue qu’Old Dolio (Evan Rachel Wood) entre en scène. Sa gestion corporelle est tout aussi ambiguë que sa tenue, ne cachant pas exclusivement sa féminité, ou même sa masculinité, mais qui la bride inévitablement d’émotions infantiles. Son évolution vers l’émancipation ne fait pas de doute. Pourtant, avec des parents comme Robert (Richard Jenkins) et Theresa (Debra Winger), il faudra faire preuve d’audace et de confiance, choses qu’Old Dolio apprendra à ressentir et à exprimer sur son ultime croisade affective.
Le quotidien de ces chapardeurs en herbe se verra bouleversé par l’arrivée inattendue, mais pertinente de Mélanie (Gina Rodriguez), dont l’appartenance sociale et la féminité assumée fait déjà débat au sein de cette famille dysfonctionnelle. Old Dolio finit alors par saisir sa chance, celle d’épouser la liberté et d’accepter la normalité que ses parents convoitent et redoutent à la fois. Ce n’est pas pour autant gagner et c’est avec une grande pertinence que July exploite ce revirement, toujours dans la fantaisie et la bonne humeur. L’héroïne continue de trébucher et de se heurter au plaisir de la délivrance, mais c’est la passion et son sens du toucher qui la guideront vers ses émotions les plus pures. Les sentiments du film que l’on croirait manipulés, comme pour tout spectacle rémunéré, s’affirmeront naturellement dans un dernier acte puissant et élégant, tant il marie la fortune et le miracle.
On a démarré sur les pointes d’un burlesque, qui laisse finalement plus de place à un drame familial et humain. Et si la famille asociale, constamment piétiner par la surconsommation, triomphe d’une certaine manière, il reste toujours un détour à emprunter, un amour à trouver et des articles à retourner, pour qu’enfin le bonheur vienne nous embrasser. « Kajillionaire » n’est peut-être pas le plus originale dans le fond, mais avec cette mousse rose qui dégouline dans un local amoché, servant de domicile, et cette musique d’attente téléphonique, il faut bien accepter que la simplicité construise rarement de bonnes choses aux côtés de l’absurde. July l’a sentie et nous a transmis un bout de chair, palpable dans l’excitation de ses personnages qui célèbre leur retour dans le monde.