Depuis la naissance de mon fils, je me sens un peu à la ramasse niveau sortie cinéma. C’est aussi pour cela que j’essaie de m’obliger à aller au moins une fois par semaine en salles afin de continuer à suivre un peu ma passion pour le septième art et cette semaine, j’ai opté pour un film dont je n’avais rien vu ni entendu et qui a le droit à une sortie très (trop?) discrète en France à savoir « En mille morceaux ». La présence de Clémentine Célarié et Serge Riaboukine dans ma salle ont guidé mon choix je l’avoue mais je dois bien avouer que son sujet m’intriguait beaucoup.
Résultat des courses, je suis sorti de ma séance un brin déstabilisé. C’est bien simple, au moment où j’écris ses lignes, je me sens incapable d’avoir un avis bien tranché. Est-ce que j’ai aimé ou pas ? Je me sens assis entre deux chaises mais le fait que ce long métrage me déstabilise un peu et me pousse à continuer un peu le film dans ma tête reste une bonne chose à mes yeux et me laisse donc penser que j’ai plus aimé que détester. Il faut dire que le scénario n’est pas vraiment simple à aborder. Peut-on tout pardonner ? Peut-on seulement trouver la force de pardonner parfois ? Même si la justice restaurative permettrait 30% de récidive en moins, il est difficile de demander aux victimes ou à leurs proches restant de pardonner et même d’imaginer de pouvoir nouer un dialogue avec une personne qui a pu détruire ta vie physiquement et/ou psychologiquement.
Sur ce point, le scénario à l’intelligence de laisser le choix aux spectateurs. Le film ne nous dit pas de pardonner mais il nous invite à chercher à comprendre et à au moins nous poser la question de savoir si nous sommes capable de pardon ou non surtout
dans le cas du meurtre d’un enfant comme ici (pas de spoiliers, je vous rassure, on nous explique dès le début la situation et même le synopsis révèle cette base scénaristique).
Le scénario ouvre un débat, va plus loin que la simple punition ou la simple vengeance et sur ce point, je trouve que c’est une très bonne chose. Libre à chacun ensuite de se faire son opinion même si encore une fois, il n’est en aucun cas question ici de cautionner les actes de l’assassin.
Non, ce qui m’a le plus dérangé dans cette histoire, c’est le portrait de ses deux âmes brisées. On est pas dans la caricature, c’est loin d’être manichéen avec d’un côté la gentille maman meurtrie et de l’autre le terrible assassin, il y a même de la crédibilité dans les maladresses de ses personnages mais j’ai eu du mal à avoir une véritable empathie pour cette situation. Je comprends la blessure interne de la mère mais j’ai trouvé qu’il y avait par moment trop de folie dans son personnage ou du moins trop d’excès qui nous font un peu sortir de ce face à face même si je me doute qu’une mère ne peut sortir indemne d’un tel drame. De l’autre côté, l’assassin m’a paru un poil trop naïf. J’ai trouvé intéressant qu’on lui donne un semblant d’humanité, voir même une innocence enfantine, pour nous expliquer ce qu’il l’a poussé petit à petit jusqu’à ce meurtre mais j’aurais aimé que son personnage soit un peu plus dur aussi, plus efficace, qu’on nous le présente pas comme un simple enfant que l’on a pas aidé à grandir même si il a conscience de ses actes. C’est assez difficile a expliquer mais c’est vraiment sur les personnages et leurs maladresses que j’ai eu un peu de mal, ce qui explique aussi que j’ai un peu de mal à exprimer mon ressenti vis à vis de ce film.
Pourtant, le duo d’acteur porte ce huis clos sur leurs épaules. Clémentine Célarié (Nicole Parmentier) est très convaincante. La comédienne est investie par son personnage et l’on sent que ce sujet lui tient à cœur. Ses excès à l’écran ne sont que les excès du traitement de son personnage mais elle les incarnent malgré tout avec justesse sans jamais être risible. On ressent la mort interne de cette mère, cette façon d’être une coquille vide. Serge Riaboukine (Eric Gobert) est lui aussi impeccable. L’acteur met son charisme de côté pour subir ce deuxième jugement après sa sortie de prison. On ne cautionne pas les actes de son rôle mais il interprète bien les faiblesses de son personnage. Finalement, même si j’aurais aimé en voir plus d’un côté comme de l’autre, les deux acteurs sont complémentaires et ça fonctionne malgré tout. Il y a juste une légère frustration car au vue de leurs performances respectives, je suis convaincu que l’on pouvait avoir un résultat plus subtil et un échange plus tendu psychologiquement.
Côté réalisation, on sent que le film de Véronique Meriadec dispose de très peu de moyen. Très sobre, on se plonge quand même dans cette discussion tout en jouant à fond sur les regards. Personnellement, je ne suis pas très fan des petits flashbacks que l’on met ici et là. Il coupe pas mal le récit et casse beaucoup trop le rythme à mon sens sans que l’on gagne en émotion. C’est dommage car d’une durée assez courte (1 heure 22), le film traîne du coup quelques longueurs. Après, le parallèle avec les personnages qui se deshabille au fur et à mesure qu’il se livre manque aussi un peu de finesse. De même, si les décors sont quand même bien exploités, tous ses miroirs brisés et ses morceaux que l’on ne peut pas recoller manque là encore de subtilité à mes yeux mais cela ne m’a pas empêché de suivre cet échange même si je peux comprendre ceux qui ont ressenti une certaine monotonie. Les thèmes abordés comme le deuil, le pardon, la pédophilie… sont en tout cas traités de façon intéressante et plus que le film en lui-même, c’est surtout le débat qu’il fait naître que je trouve intéressant.
Pour résumer, « En mille morceaux » mérite le coup d’œil ne serait-ce pour la discussion qu’il peut faire créer au sein de notre société. Riche en maladresses, j’aurais vraiment aimé voir un film plus consistant surtout dans l’écriture des personnages et dans la réalisation (car l’interprétation me parait malgré tout vraiment bonne au regard de l’ensemble). Mais sans être tout blanc ou tout noir, le film de Véronique Meriadec nous bouscule dans ses thématiques avec une fin ouverte qui nous laisse sortir de notre séance avec comme principale question : Qu’est-ce que j’aurais fait moi ?