Récompensé par le Grand Prix au Festival du film policier de Beaune, ‘’Une pluie sans fin’’ est le premier film du réalisateur chinois Dong Yue.
L’histoire se situe en Chine, à la fin des années 90. Dans la déprimante ville de Hengyang, le détective Yu s’investit dans la traque d’un serial killer, lequel en est à sa troisième victime. Parallèlement à cette poursuite qui tournera mal, le film narre aussi l’étrange relation entre Yu et Yanzi, une femme dont le rêve est de monter un salon de coiffure à Hong-Kong.
‘’Une pluie sans fin’’ pourrait être renommé Une déprime sans fin tant c’est un film d’une mélancolie et d’une tristesse infinie. Visuellement d’abord, le film étonne par ses teintes et ses couleurs ultra-désaturées. Les lumières sont ternes, le rendu est volontairement déprimant. Ce travail esthétique illustre le thème principal du film : le mal être vécu par des êtres dans une ville en train de mourir. Si depuis quelques temps, des comparaisons entre ‘’Seven’’ (David Fincher, 1995) et ‘’Une pluie sans fin’’ sont émises, ce n’est certainement pas par hasard. La similitude entre les deux films ne se situe pas au niveau de leur intrigue ou de leur esthétique, mais au niveau des lieux. Dans ces deux films, la ville est presque un personnage principal à elle seule. Une ville poisseuseoù la pluie ne cesse de tomber. Une ville contaminé par le Mal. Une ville enfin que bon nombre de protagonistes veulent quitter. Dans ce film, l’intrigue passe en second plan derrière cette lourde atmosphère qui pèse sur les personnages. Des personnages, qui, malgré leur désir de quitter cette ville s’en révèle être les prisonniers. Yanzi dont le rêve est de quitter Hengyang pour Hong-Kong avec Yu se rendra compte que c’est impossible.
Yu étant trop obnubilé par le meurtrier, Yanzi finira par se suicider.
Le commissaire Zhang, au regard complètement désabusé sur le monde (‘’le monde devient fou’’ dira t’il) voudrait retourner dans son village.
Ce qu’il ne fera jamais, il finira par tomber malade et atterrira dans une maison de retraite.
Et puis bien sûr, il y a Yu. Il est au début du film le seul protagoniste à vouloir rester à Hengyang. Très content d’avoir été nommé employée modèle de l’usine dans lequel il travaille, Yu refuse les promotions que lui promettent tous ses collègues. Pourtant, son comportement va être aussi de plus en plus désespéré. Car dans cette ville maudite, le tueur n’est que l’émanation et l’expression du désespoir qui se tapit au fond de chaque homme. Une ville qui à la fin du film est symboliquement morte (une usine est détruite).
C’est dans cette fin que Yu décide enfin de quitter la ville. Mais comme on l’a vu, Hengyang semble retenir éternellement ses habitants. Au moment où Yu s’apprête à partir, son bus… tombe en panne. Et, symbolique magnifique, la neige remplace la pluie
. Ultime preuve de la mort définitive de cette ville, de ses habitants, et finalement d’une époque.
Le drame est donc pleinement réussi. Hélas, il est regrettable que, derrière, le polar ne suive pas. l’intrigue policière n’est pas seulement trop simpliste, elle est aussi clichetonneuse. Pire, si on peut penser de temps en temps à ‘’Seven’’, il y a un autre film auquel on pense toujours : ‘’Memories of murder’’ de Bong Joon-ho, sorti en 2004. les points communs entre les deux films crèvent (trop) les yeux. Formellement d’abord, l’aspect terne de la photographie sort tout droit de ‘’Memories of murder’’. Ensuite, si ‘’Une pluie sans fin’’ se situe dans un plus grand centre urbain que celui de ‘’Memories of murder’’, deux usines jouent un rôle important. Usines qui seront chacune le théâtre d’une course poursuite. Mais c’est surtout scénaristiquement que Dong Yue pille le chef-d’oeuvre coréen. Excepté la relation entre Yu et Yanzi, presque tout vient du film de Bong Joon-ho. On retrouve ainsi : un détective d’abord sûr de lui qui va peu à peu perdre pied, un supérieur blasé, un flic qui va y laisser sa vie, un meurtrier qui tue des jeunes femmes sous la pluie et dont on ne verra jamais le visage, un passage à tabac d’un innocent, le retour du héros des années plus tard sur les lieus du crime… C’est assez bête, mais ces trop nombreuses similitudes empêchent ‘’Une pluie sans fin’’ d’être considéré comme un film original. C’est plus un remake inavoué à la sauce chinoise.
‘’Une pluie sans fin’’ malgré son aspect de polar déjà-vu est une bonne surprise. Car le drame d’une homme qui passera à côté de sa vie est ici éminemment poignant. Un premier film prometteur, d’un réalisateur qui a peut-être un peu trop vu ‘’Memories of Murder’’. En même temps, comment lui donner tort ?