Comme l’indique le titre du film de Dong Yiu, il ne cesse de pleuvoir tout au long du film… La pluie y est, en effet, un élément constant. Diluvienne, tenace, opaque, elle installe, dès le début du récit, et durant presque deux heures, une lumière grise, une atmosphère sinistre, sombre et poisseuse, un paysage réduit, dénué d’horizon. Elle enferme à ciel ouvert les humains qui s’agitent au cœur d’un univers dévasté ou en passe de l’être...La palette chromatique est dominée par des teintes de gris, de marron et de noir, le paysage d’usines et d’immeubles délabrés, semble abandonné de toute vie… Le film a reçu le grand prix du festival international du film policier de Beaune en 2018, c’est donc, au premier abord, une histoire policière…le cadavre d’une jeune fille, violée et mutilée vient d’être découvert aux abords de l’énorme complexe industriel , où Yu Guowei assure les fonctions de chef de la sécurité, employé modèle, décoré pour son zèle à pister les petits délits des employés du complexe…outrepassant ses fonctions, il se met en tête de retrouver le présumé tueur en série car trois autres cadavres présentant la même mise en scène ont été retrouvés… il s’attache à suivre plusieurs suspects, jusqu’à l’obsession, jusqu’à perdre tout sens commun… jusqu’à l’erreur fatidique…Quant à la police officielle, elle est représentée par le capitaine Zhang, qui rêve de retraite, loin de cette ville qui l’étouffe…il est dépassé par l’enquête et par la nature des meurtres qu’il ne parvient pas à comprendre…il observe les valeurs morales de déliter pour laisser la violence s’immiscer dans les interstices de la société et ainsi faire voler en éclat la plus fondamentale structure sociale, la famille...A coté du récit policier, la caméra de Dong Yiu va capter la lente décomposition d’une société construite sur des rituels de célébration où le Parti va décorer l’ouvrier du mois, rituels destinés à masquer l’oppression et l’exploitation…l’intrigue se déroule autour de l’année 1997 où la Chine vit une période de mutation politique et économique profonde…on assiste au délitement d’une classe sociale encensée un jour, et soudainement mise à l’écart du système, le complexe industriel qui représentait le poumon économique de la région , ferme et est détruit pour faire place à un centre commercial…les ouvriers sont licenciés et sommés de trouver une nouvelle fonction dans la société, celle de consommateur…Une pluie sans fin, rejoint d’une certaine manière une tendance du cinéma chinois contemporain d’utiliser un fait divers pour révéler les mutations historiques du pays (Black Coal de Dia Yi Nan, A Touch of Sin de Jia Zhangke pour ceux que j’ai vus)…La critique ne cesse de ramener le film de Dong Yiu, à celui du coréen Bong Joon Ho, Memories of murder en présentant le premier comme une pâle copie du second….ne l’ayant malheureusement pas vu je ne peux me prononcer…le film de Dong Yiu est un premier film, il est sans doute un peu long, un peu lent…certains aspects du scénario ne sont pas toujours évident comme ce germe de romance toute platonique avec Yansi, ancienne prostituée promise, dans l’esprit de Yu Guowei à la sauvagerie du tueur, et qu’il protège ...on n’y croit guère…d’autant que j’ai confondu Yansi avec la jeune fille rencontrée au vieux stade !!! Lors de la course poursuite où Yu Gouwei est aux trousses du présumé tueur, pour se protéger de la pluie ils sont tous deux affublés de longues parkas noires provoquant la confusion chez le spectateur… Laissons à Dong Yiu les quelques maladresses d’un premier film et attendons le suivant ….