Le film de François Ozon a été précédé d’une belle polémique, certains mis en cause dans le film considérant que leur présomption d’innocence était mise à mal par le cinéma. Après la séance, on se dit que ces gens, évoqués dans le film, devraient plutôt faire profil bas en attendant que la Justice s’occupe enfin de leur cas, plutôt que d’attirer l’attention sur un film à qui, au bout du compte, ils auront fait une belle publicité. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que je n’étais pas très fan du cinéma de François Ozon d’une manière générale. Sans trop pouvoir dire pourquoi, j’ai toujours finit par m’ennuyer devant ses films, ils sont long, le rythme est lent, ils ne m’ont jamais passionné. Je dirais qu’avec » Grâce à Dieu », Ozon propose un de ses meilleur film malgré tout. Alors bien-sur, il est (trop) long, 2h20 et il a un démarrage terriblement poussif. Les 20 premières minutes, à base de voix off s’échangeant des courriers ou des mails bien polis (un joli dialogue de sourd au passage) sont interminables. Le film ne prenant son envol qu’avec l’arrivée du personnage de François, plus tranché, plus incisif. En fait, François Ozon découpe sagement son film en 3 partie bien égales : d’abord Alexandre, le catho pratiquant bien sous tout rapport, grande bourgeoisie, bien poli, bien respectueux, puis François le type moins bourgeois, plus entier, plus jusqu’au boutiste aussi (au point d’être contre-productif) pour finir par le plus cabossé, Emmanuel, le prolo mal dans sa peau. Il y a dans cette forme bien cadrée une volonté, celle de montrer que les victimes sont très diverses, que leurs histoires sont différentes, mais avait-il besoin de le faire cette façon, façon « petit a », « petit b » et « petit c », de moins en moins riche, de moins en moins croyant, de plus en plus abimé ? Du coup, son film ressemble à une dissertation avec en guise de conclusion, la conférence de presse désastreuse de Barbarin, qui lâche la phrase terrible « Grâce à Dieu, ces faits sont prescrits », comme quoi il n’y a pas que les lapsus qui sont révélateurs, les phrases malheureuses aussi. Même si on ne s’ennui pas vraiment, « Grâce à Dieu » semble sur le point de se perdre en route au bout d’un moment. Accompagné d’une musique un peu transparente, avec un cheminement chronologique (juste agrémenté de flash back chez les scouts, toujours allusifs mais heureusement jamais graveleux), dans sa forme le film de François Ozon est sobre au point d’apparaître austère. Le casting du film est tout à fait pertinent, qu’il s’agisse de Denis Ménochet, Swan Arlaut ou Melvil Poupaud, il n’y a rien à redire à leur performance. Leur personnage sont parfois à la limite de la caricature, mais sans jamais franchir le rubicond. Les seconds rôles sont eux aussi fort bien tenus, que ce soit par Eric Caravaca, Hélène Vincent, Josiane Balasko ou même Bernard Verley en père Preynat. Sa scène de confrontation avec Swan Arlaut, où il persiste à le tutoyer et à lui sourire comme s’ils étaient toujours chez les scouts met terriblement mal à l’aise. Le scénario de « Grâce à Dieu » met l’accent moins sur la pédophilie de Preynat que sur l’attitude de la hiérarchie ecclésiastique, j’imagine que c’est sans doute là que le bas blesse pour les détracteurs du film. La culpabilité du prêtre, le traumatisme des victimes (la scène du boulanger), la difficulté à libérer la parole, tout cela est clairement exposé et sans ambigüité. En revanche, l’attitude de Barbarin, de son prédécesseur à Lyon, de sa collaboratrice sont d’une ambigüité totale, permanente. On leur parle « victime », « crimes », « justice » et ils répondent « compassion », « foi », « pardon », ils sont dans leur logique jusqu’à l’aveuglement, et cela s’apparente, de l’extérieur, à de la lâcheté pure et simple. Ce qui m’a le plus intéressé dans le scénario d’Ozon, c’est l’attitude contrastée des parents des victimes, des frères, des enfants, des conjoints. Dans la famille d’Alexandre ce sont ses parents, très tradis, qui refusent de voir, qui refusent d’entendre, qui ne veulent rien savoir. Dans celle de François, c’est son frère ainé qui vit cette affaire comme une agression (il se sent surement coupable sans trouver les mots pour le dire) alors que ses parents essaient de racheter aujourd’hui leur apathie de l’époque. Dans le cas d’Emmanuel, c’est son père qui ne parvient pas à se sentir concerné. Là encore, Ozon semble tenir à explorer tout le panel des réactions possible (indifférents, gênés, coupables, exaspérés…) chez les proches. Même si certaines scènes en famille sont pertinentes et même fortes, il y a dans cette démarche un côté appliqué et scolaire qui fonctionne mal et qui dessert un petit peu son propos. Reste qu’il est indéniable qu’avec son film, François Ozon s’est attaqué à un sujet difficile, que son propos est mesuré mais somme toute courageux et que malgré ses défauts, « Grâce à Dieu » à le mérite d’exister et d’appuyer là où ça fait mal.