‘’ Grâce à Dieu ‘’ relate le combat acharné des victimes du prêtre pédophile Bernard Preynat contre leur agresseur, impuni, et le silence complice de l’Église. Le scénario fait preuve d’une grande originalité en alternant les personnages centraux, nous faisant ainsi découvrir plusieurs profils de victimes, plusieurs parcours, plusieurs conceptions de l’existence, toutes minées par un seul et même traumatisme, plus ou moins enfoui au fil des années. On ne peut que saluer la performance des acteurs, Swann Arlaud, Denis Ménochet et Melvil Poupaud en tête, lesquels retranscrivent avec force ce chemin de croix pour la vérité. Sobre et minutieux, François Ozon ne sombre jamais dans le pathos ou le larmoiement, préférant l’atmosphère angoissante de flash-back immanquablement peuplés du monstre Preynat. Mieux encore : il va droit au but, sans laisser un instant de répit au spectateur. On peut imaginer l’effet ‘’ coup de poing ‘’ du film, alors que certaines procédures liées à cette affaire ne sont toujours pas terminées à l’heure actuelle. Les coupables y sont désignés sans la moindre ambiguïté, Barbarin en tête, ce qui fit dire à certains que le film avait essentiellement pour but d’accabler le christianisme. Erreur. Ce n’est pas la foi qui est attaquée mais l’institution. Et elle est foutrement solide ! Foutrement hypocrite aussi… Le film inclut de fait un débat captivant sur la religion, via l’hétérogénéité de ses personnages. Certains la rejettent ouvertement tandis que d’autres continuent de croire, usant pour cela d’arguments aussi pertinents que sages. C’est ce qu’il faut retenir, outre la dénonciation de la pédophilie. Le récit n’est pas à sens unique et se tue à démontrer la complexité d’une telle affaire. Car, qu’on le veuille ou non, la personnalité de Bernard Preynat (ici incarné par Bernard Verley) est aussi intéressante que les autres. Il ne s’agit pas, en effet, d’un pédophile machiavélique qui nie ou ruse pour s’innocenter (quoique…) mais bien d’un vieillard en parfaite acceptation de sa déviance, qui va jusqu’à la reconnaître devant la police et ses supérieurs. C’est d’autant plus grave dans la mesure où cela signifie que les crimes se trouvaient sous les yeux mêmes de la hiérarchie ecclésiastique depuis plusieurs années et qu’elle n’a rien fait pour les stopper. Que faire alors ? Se battre. Encore et toujours. Ne pas baisser les bras, garder la tête froide. ‘’ Grâce à Dieu ‘’ est un film magnifique qui mérite d’être vu du plus grand nombre. Il porte avec justesse la parole des victimes et brise les tabous. Non, la parole n’est pas coupable. Si elle est capable de libérer les victimes, elle est aussi capable d’emprisonner les criminels.
Au passage, le lien du site ‘’ La Parole Libérée ‘’, qui porte le témoignage des victimes : https://www.laparoleliberee.fr/