Est-ce que cela vaudrait vraiment la peine de vivre dans un monde qui n’aurait jamais connu les Beatles ? Si on en croit Danny Boyle, et j’aurais tendance à être d’accord avec lui, non, ça n’aurait ni aucun sens, ni grand intérêt. Si le résumé de « Yesterday » nous rappelle quelque chose, c’est bien normal car le point de départ est le même que celui de « Jean-Philippe », le film de Laurent Thuel sur Johnny Hallyday. Danny Boyle propose un long métrage plaisant, avec de vraies qualités, de l’humour bien dosé, une vraie part d’autodérision mais aussi quelques longueurs et un love story ultra téléphonée et d’une mièvrerie très vite lassante. Techniquement, « Yesterday » est agréable à suivre, pas trop long et souvent drôle. L’humour du film fonctionne beaucoup sur la surprise et sur l’autodérision. La surprise d’abord parce qu’il n’y a pas que Les Beatles qui manquent à l’appel mais deux trois bricoles aussi,
Les Stones sont toujours là, Bowie et Springsteen aussi mais Oasis à « logiquement » disparu des radars, ce sont les frères Gallagher qui vont être contents !
Tout au long du film, on s’attend à apprendre que telle chose ou tels chanteurs sont passés par pertes et profits, ce qui donne lieu à deux trois gags sympas. Mais l’autodérision marche mieux,
entendre Ed Sheeran critiquer « Hey Jude », les managers expliquer que « The White Album » est un titre qui pose un problème pour les minorités, voir un type chanter « Back in USSR » dans le Moscou de Vladimir Poutine
, ce décalage là, évidemment absurde sur le moment, laisse quand même un peu songeur. Qui peut dire que Les Beatles pourraient éclore dans l’industrie de la musique de 2019, ultra formatée, soumise aux diktats du net et du marketing ? Quoi qu’il en soit, aidé d’un habillage astucieux (les titres des chansons apparaissent en surbrillance dans le décor, avec une iconographie volontairement 60 ‘s) et d’une bande originale évidemment démente, le film est un gros kif pour les yeux et les surtout les oreilles. Les chansons des Beatles sont nombreuses, (plus époque « cheveux longs » que époque « coupe au bol » !), bien interprétées et jamais dénaturées et comme elles sont mondialement connues et forcément géniales, on a qu’une envie au sortir de la salle : les écouter et les fredonner. Himesh Patel s’est vu confier le rôle de Jack Malik. C’est son premier rôle au cinéma et il assure pas mal, surtout les parties chantées. Je ne sais pas si c’est lui qui chante toutes les chansons des Beatles du film mais si c’est le cas, Chapeau ! A ses côtés, il y Lily James, dans un rôle malheureusement trop mièvre et sans aspérités pour qu’elle puisse donner la pleine mesure de son interprétation. Les seconds rôles sont bien tenus, peut-être un petit peu caricaturaux et Ed Sheeran, ma foi, il n’est pas si mal. C’est la troisième fois que je le vois à l’écran après « Bridget Jones » et « Game of Thrones », il a l’air de prendre gout à l’exercice. Ici, il est pas mal du tout, jouant un peu avec son propre rôle et se moquant un peu de lui même (le coup de la sonnerie de téléphone). Le scénario lorgne clairement du côté de la comédie romantique, et ce n’est pas du tout ce qui est le plus emballant. L’histoire d’amour Jack/Ellie est à la fois hyper convenue, sans très grand intérêt et très « culcul la praline » ! Les scènes entre eux deviennent vite les « creux » du film, les scènes trop longues, trop mièvres, qu’on a vite envie de voir se terminer pour revenir aux choses sérieuses : le succès de Jack et son côté immérité. Lui qui a toujours couru après le succès le connait enfin en volant l’œuvre de quelqu’un d’autre, et il s’attend (voire il souhaite) à être démasqué à tout instant. Le suspens du film réside là : est-il le seul à se souvenir d’un monde avec les Beatles ? Et comment tout cela va finir : va-t-il avouer avoir volé un répertoire à des « inconnus », va-t-il re-subir un choc et revenir dans le vrai monde où il n’est rien qu’un magasinier sans succès ? Le film finit par choisir sa route, une fin mi-figue, mi raisin, qui n’explique rien et laisse un peu en plan, une fin un peu décevante pour tout dire. Il y a donc des gros bémols à « Yesterday », par exemple je ne sais pas trop quoi penser de la scène de la maison sur la plage, est-elle pertinente ? Est-elle malvenue ? Le film devait-il aller jusque là ? Je ne sais pas trop, c’est une scène étrange qui met presque mal à l’aise. Danny Boyle ne réussit pas avec « Yesterday » ce qu’il avait parfaitement réussi avec « Slumdog Millionnaire », la faute sans doute à un scénario enthousiasmant sur le papier, mais trop convenu à l’écran. Ceci étant dit, malgré ses défauts et autres longueurs, « Yesterday » permet à tous ceux qui aiment les Beatles de se prendre un gros shoot de bonheur auditif et à tous ceux, trop jeunes, qui les connaissent mal, de redécouvrir un répertoire de pop songs géniales et intemporelles. Même si c’était la seule qualité de « Yesterday » (et ce n’est pas le cas), ca vaudrait quand même le coup d’aller le voir en salle !