D'abord frileux à l'idée de me plonger dans la filmographie de Peele, dont le simple titre de "réalisateur Black-Américain" semblait être le seul fait d'armes retenant l'attention des médias.
Le constat : fort d'une jeune filmographie pleine de fougue et vivifiante, le cinéaste s'attelle lors de chaque tentative à l'exploration d'un nouveau genre cinématographique afin d'y distiller en filigrane, un regard critique et une réflexion aiguisée sur des faits de société.
Un premier brûlot horrifique avec Get Out, son coup d'essai intense et percutant. Questionnant le racisme normalisé d'une part, mais plus globalement, le rapport de forces qui s'exerce sur un élément marginalisé au sein d'un groupe plus puissant que lui (classes sociales, patrimoine financier et culturel...). Le fond et la forme fusionnent pour offrir un délicieux moment de cinéma indépendant, divertissant et lucide sur son sujet.
Pour son deuxième essai, US, Peele interpelle l'identité Étasunienne et les fondements de l'Histoire sur lesquelles elle s'est construite en empruntant cette fois-ci, la voie du slasher/survival. Une proposition plus en demi-teinte à mon goût suite au premier visionnage, bien que les intentions de cinéma et les thématiques abordées restent passionnantes et pertinentes.
Venons-en au film qui nous intéresse ici : Nope ; l'alignement est parfait. Peele, prend le pouls de la société de divertissement. Il examine de façon chirurgicale notre rapport à l'acte de création, sur notre aptitude à recevoir l'objet artistique. Notre capacité à s'autoriser des errances en terres inconnues ou au contraire notre propension déviante à consommer des produits culturels de façon passive. Son incursion dans l'univers du film d'invasion / science-fiction à hauteur d'Homme, est grisante de maîtrise. Le tout, en s'offrant des instants de lyrisme aussi inatendus que bienvenus.
Micheal Abels, son compositeur attiré, nous livre quant à lui des compositions fragiles et élégantes qui cultivent une certaine ambiguïté. En parfaite symbiose avec l'image, elles subliment de façon subtile, toujours à échelle humaine les thématiques abordées.
En définitive, Jordan Peele, c'est le champ des possibles. Un rappel s'il en fallait que divertissement et réflexion ne sont pas incompatibles. Qu'un auteur peut toucher, avec des films exigeants, une large audience.
Grand bien m'a pris d'ouvrir les portes de son cinéma qui fort de toutes les qualités évoquées, suscite chez moi une irréductible envie de découvrir la suite du parcours de ce grand cinéaste en devenir. Puissent ses choix futurs conserver la même audace.