Speak No Evil est le remake du film danois du même nom sorti en 2022, mis en scène par Christian Tafdrup et emmené par Morten Burian, Sidsel Siem Koch, Fedja Van Huet et Karina Smulders dans la peau des deux couples. Ce thriller psychologique et horrifique a été nommé à 11 reprises aux César danois en 2022.
"J’ai entamé ma carrière avec un thriller horrifique, Eden Lake. On peut sans doute le qualifier de film d’horreur ‘sociétal’ dans la mesure où il évoque les conflits entre générations, la peur de gens issus d’un autre milieu que le leur, et l’évolution cyclique de la violence dans la société", raconte le réalisateur James Watkins, en ajoutant :
"J’avais envie de revenir à ce croisement entre le cinéma de genre et des thématiques fortes, et cette intrigue permettait justement de développer un film à la fois divertissant et intelligent."
Si Speak No Evil est fidèle aux thématiques et au postulat de Ne dis rien, il s’en distingue à plusieurs égards, à commencer par l’identité culturelle des personnages. Ici, les protagonistes sont américains, et non danois, et les antagonistes sont anglais, et non plus néerlandais.
"J’ai eu le sentiment que je pouvais adopter une approche très britannique vis-à-vis des personnages et de l’humour, ce qui me permettait de donner une vraie singularité au film et d’être, en ce qui me concerne, plus authentique", explique James Watkins.
James Watkins a trouvé son inspiration chez Michael Haneke et Ruben Östlund, ou encore dans Le Lauréat de Mike Nichols, Les Chiens de paille de Sam Peckinpah, Délivrance de John Boorman et la série The White Lotus de Mike White : "Dans mon esprit, Speak No Evil était, depuis le départ, un thriller psychologique axé sur un postulat horrifique."
"Cette distinction subtile est importante dans mon approche. J’espère que la tension naît de l’exploration psychologique de chaque personnage et de leurs rapports dans un contexte social contemporain."
"Tous les films qui m’ont inspiré dans cette démarche font peu à peu voler en éclats le vernis de la ‘civilisation’ pour se délecter des luttes de pouvoir des rapports sociaux et explorer la colère à peine camouflée derrière des sourires de façade que les gens éprouvent les uns vis-à-vis des autres."
Pour camper, Paddy, cet homme à la psychologie trouble, James Watkins a engagé James McAvoy, qui s’est surtout fait connaître pour son interprétation du super-héros Charles Xavier dans la saga X-Men ou pour celle de Kevin Wendell Crumb, personnage psychologiquement perturbé, dans Split et Glass.
"Paddy doit nous séduire tout en suscitant l’effroi et James sait parfaitement trouver ce délicat équilibre. Je l’ai observé dans Ordure ! et j’ai été fasciné : son personnage est atroce, mais James nous embarque avec lui d’une manière ou d’une autre. Un acteur de moindre envergure n’y serait pas parvenu", confie le cinéaste.
"En dehors d’être une star de cinéma, James est un formidable comédien de théâtre. Pour Paddy, il se sert non seulement de son propre parcours, mais s’inspire aussi de références classiques : Iago, Richard III, Méphistophélès. Je crois que personne d’autre n’aurait pu incarner Paddy aussi bien que James."
"Sa maîtrise de la psychologie et des émotions – et sa capacité à exprimer d’infimes nuances – est incomparable. C’est le premier – et le seul – acteur que j’ai contacté."
James Watkins et le chef-décorateur James Price recherchaient une ferme charmante de l’extérieur, mais délabrée à l’intérieur, située près d’un petit lac et nichée dans un paysage anglais idyllique. Les deux hommes ont d’abord envisagé de bâtir une ferme répondant aux critères du script, mais ont finalement préféré tourner dans un décor réel.
Après avoir envisagé plusieurs possibilités, Watkins et Price ont porté leur choix sur une vaste propriété isolée et clôturée dans le Gloucestershire, à une heure de route environ de la région où Price a grandi, dans le North Herefordshire.
Le bâtiment principal, datant du début du XVIIème siècle, possédait une charpente en bois et des pierres apparentes, évoquant le donjon d’un château médiéval, tandis que les dépendances, dans la cour de ferme, comportaient une cave idéalement aménagée pour les scènes se déroulant dans la réserve souterraine de Paddy.
Mackenzie Davis et Scoot McNairy ont déjà joué ensemble dans la série Halt and Catch Fire.
L’image la plus dérangeante de Speak No Evil est sans doute celle de la langue atrophiée et difforme du personnage d'Ant. La prothèse que porte Dan Hough a été créée par le maquilleur Kristyan Mallett de KM Effects et a été amplifiée à l’aide d’animation numérique pour produire salive et mouvement. Une petite plaque a été installée autour des dents de Hough, dissimulant ainsi sa langue.
Le doudou d’Agnes, Hoppy, a été fabriquée sur mesure pour les besoins du film. Mais il a fallu du temps pour le mettre au point avec précision car il revêt une grande importance symbolique dans l’histoire. "C’était plus compliqué que je ne l’aurais imaginé. Nous avons tenté plusieurs pistes, en tâchant de faire en sorte que la langue et les yeux soient les bons."
"Hoppy est un personnage à part entière et il fallait lui donner une vraie personnalité, en le faisant passer d’un vieux jouet auquel Agnes est très attachée à quelque chose de radicalement différent. Vers la fin du film, Hoppy est emblématique de toute la famille – usé, ensanglanté, à bout de forces", se rappelle le metteur en scène James Watkins.
Speak No Evil a été tourné avec des caméras numériques Arri Alexa 35, mais James Watkins souhaitait une texture plus rugueuse, plus proche de la pellicule. Il précise : "On a atténué le côté très lisse de l’image numérique avec des filtres à diffusion placés devant l’objectif, filtrant la lumière avant qu’elle ne soit perçue par le capteur. On a élaboré une texture évoquant une sorte de ‘douce nostalgie’ pour nous éloigner de la plasticité du numérique et nous rapprocher d’un style plus terreux."
James Watkins a tourné de longues prises en plans larges : "Notre format large en 2,35 nous a permis de représenter visuellement l’isolement et la séparation des personnages dans le champ", indique-t-il, en ajoutant : "On a aménagé ces espaces, notamment dans la ferme, avec des plafonds très bas et des poutres qui ‘découpent le plan’ afin de rehausser le sentiment oppressant que les personnages sont divisés. La caméra ne bouge que lorsqu’elle en a la nécessité. De même, on a très peu découpé. On n’a tourné des gros plans que pour les moments décisifs et subjectifs."