Hollywood semble vraiment en panne d’idées! Voilà que seulement deux ans après l’original danois, intitulé en français « Ne dis rien », les américains nous offrent déjà une nouvelle version à la sauce américaine. Produit par la Blumhouse, la boîte de production de Jason Blum qui sait comme personne flairer les bonnes idées (réelles ou juste bankables, voire les deux) ainsi que les bons concepts, cette réinterprétation ne démérite pourtant pas et fait partie du haut du panier de la société de production. Le nabab du petit budget pour high concept a vite mis à jour le potentiel de ce film danois plutôt convaincant mais imparfait qui avait ravi bon nombre de festivals consacrés aux films de genre. Et cette fois, il faut donc avouer qu’on n’est pas déçu tant cette nouvelle version respecte à la fois la teneur, la sève et l’ambition de l’original tout en y ajoutant des changements probants (personnages plus développés et fin très différente). Et on peut même dire que « Speak No Evil » est un tantinet supérieur à son aîné qui souffrait d’une conclusion certes audacieuse et très nihiliste mais quelque peu abrupte, comme si le film n’était pas fini.
Comme quoi, Blumhouse peut encore proposer des films de genre qualitatifs et hauts de gamme au milieu d’une pelletée de navets comme récemment « L’IA du mal » ou « Five Night at Freddy’s ». La bonne idée est d’avoir été cherché un bon acteur et un bon réalisateur pour tenir les rênes du projet. Il s’agit pour le premier de James McAvoy, qui nous rejoue un rôle de psychopathe avec une composition du même acabit mais moins folle que celle mémorable de « Split ». C’était d’ailleurs le piège dans lequel aurait pu tomber l’acteur : celui de l’excès et du trop ainsi que de la redite. Il y a certes quelques rictus et quelques sorties de route mais dans l’ensemble il incarne ce personnage tordu et inquiétant avec brio, ne radotant pas son rôle aux multiples personnalités du chef-d’œuvre de Shyamalan, puis repris dans sa suite. Le reste du casting est au diapason, notamment le couple très convaincant formé par une Mackenzie Davis formidable d’objectivité face à la situation et de combattivité, notamment sur la fin. Scott McNairy campe quant à lui un mari faible et conformiste avec brio. Pour le second c’est d’avoir été cherché James Watkins, réalisateur de l’excellent survival « Eden Lake » qui est un choix judicieux tant il parvient à instaurer une tension et un malaise diffus qui va grossir de manière exponentielle mais en prenant son temps. Pour ensuite nous gratifier d’un dernier acte en forme de home invasion inversé ultra tendu, réaliste, et angoissant qui nous colle à nos sièges.
Voic donc les deux ajouts qui sont la véritable valeur ajoutée de « Speak No Evil ». Les personnages ici sont plus approfondis dans leur psychologie et donc plus intéressants et attachants (enfants comme adultes). Les situations et l’exposition sont certes un peu plus longuettes mais permettent une identification plus certaine et poussée. On parle ici de mariage brisé, d’honnêteté et de lâcheté, de conformise social et d’apparences où se terre la bienséance qui confine à l’hypocrisie malsaine. Tout cela est bien décortiqué pour un film de genre qui s’avère bien plus un suspense psychologique fouillé qu’un véritable film d’horreur. On est même dans un grand film qui s’extirpe de la série B par sa mise en scène ambitieuse, son casting, son sous-texte et un final impressionnant. Certes, il n’est pas aussi osé et sombre que l’original mais c’est clairement plus palpitant et même presque plus logique. Le home invasion inversé que nous offre Watkins la dernière demi-heure ne souffre d’aucune lourdeur ou incohérence (très rare dans ce type de film) et nous happe jusqu’à la toute dernière image. Intense, violent et radical, il imprègne la rétine et nos esprits de la meilleure des manières. Le seul hic, qui n’est guère de la faute du long-métrage en lui-même, vient du fait qu’il soit un remake et non une œuvre originale : quand on a vu le premier, difficile d’être retourné ou surpris par le rebondissement principal et ses conséquences. Voilà donc un film plus appréciable si on n’a pas vu « Ne dis rien » et auquel on le préfère.
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