Comme d’habitude Gaspard Noé dérange. J’apprécie toujours son audace, sa singularité, sa place dans le panorama du cinéma français. J’aime à le suivre. Cela ne signifie pas pour autant que j’adhère à tout. Ses propositions cinématographiques attisent ma curiosité et même si je ne partage pas toujours ses délires, elles me permettent de demeurer tolérant. Comme je l’ai écrit souvent : rien ne me choque dans l’art. D’aucuns pourront toujours rebondir : « Il ne fait pas de l’art. » Peu importe. Gaspard Noé ne me laisse pas indifférent, je suis sans cesse bousculé avec lui et de temps en temps ça fait du bien. Ca purge ! « Climax » est une proposition hystérique, assourdissante et démoralisante. Ses plans-séquences répétés au milieu de ce chaos permet au spectateur de l’impliquer ; ainsi, le spectateur est baladé d’un personnage à l’autre, d’un groupe à l’autre sans pour autant s’attarder sur qui que ce soit. A l’image de la caméra, le spectateur est constamment déstabilisé, ivre de sangria, de LSD (?) de folie, aspiré dans un tourbillon de corps désarticulés, erratiques, ondulants, sans cesse en mouvement. Qui l’eut cru ? En effet, hormis l’entame où une jeune femme court maculant la neige de son sang, le début ne présageait pas un tel désordre. On assiste à une danse où les corps s’assemblent, se dispersent, s’imbriquent dans une chorégraphie captivante. Tous les danseurs sont extraordinaires. Ce mélange de voguing et de krump (?!) est hypnotisant. Après cette performance artistique, le groupe se disloque pour se désaltérer, pour former de petits groupes de deux ou trois personnes. On assiste à des conversations qui nous laissent entendre que le groupe ne vit pas tant bien que ça. Langues de vipères et langues graveleuses murmurent. Le constat est amer au bout de 20 mn de film : ces danseurs qui forment un groupe solidaire, uni est un groupe composé d’individus malveillants et hypocrites. La violence est latente. D’où ce chaos qui s’ensuit et qui finira par me lasser sur sa longueur. Gaspard Noé aime à insister, il n’est ni dans la nuance ni dans la retenue ni dans le raisonnable. Pourtant son « Climax » est d’une violence raisonnable ! C’est assez soft. Si Gaspard Noé ne passe pas pour un grand directeur d’acteurs, il sait tout de même les diriger pour les pousser dans la démence. Il est vrai que la plupart des protagonistes sont des danseurs et il n’a sans doute pas jugé prioritaire de les diriger comme des acteurs par le verbe, mais par le corps et le comportement. Il sait y faire depuis longtemps. Je lis par-ci par-là que les dialogues sont confondant de banalité, mais franchement, dans ce chaos, que pourrait-on dire de pertinent ? La part d’improvisation donne une dimension réaliste et encore plus avec des non acteurs qui, dans l’ensemble ont bien assuré. Durant le chaos, noyé dans les plans-séquences leur implication était remarquable crédibilisant le récit. De ce « Climax » moyen, je retiendrai plus particulièrement cette phrase : « Vivre est une impossibilité collective ». Je la fais mienne, moi qui suis sauvage. Pas toujours. C’est une impossibilité si on abuse d’alcool et de drogue comme illustré dans ce « Climax ». Mais a-t-on besoin de ça pour justifier cette impossibilité collective ? J’ose espérer le contraire. Il y a bien d’autres raisons pour vivre malheureusement cette impossibilité. Comme je ne suis pas certain que « la mort est une chose extraordinaire » pour fuir cette impossibilité. Le dernier Gaspard Noé est d’un pessimisme et d’une tristesse horrible. Je ne me reconnais pas dans sa métaphore : passer par l’alcool et la drogue pour évoquer éventuellement la décomposition de la société (?). L'Homme n'a pas besoin de ces artifices pour déconstruire une société...