Un bien beau gâchis ! Il y avait pourtant de belles choses à faire et explorer dans ce lieu isolé, qu'on imagine à la faveur du premier plan perdu dans des décors enneigés. Une fête de fin de tournage ou de fin de répétition pour un spectacle... Une mise en abyme possible... Des acteurs prisonniers de leurs rôles... Des histoires d'amour dans la réalité prenant le contrepied de l'histoire écrite et incarnée pendant les répétitions... La culture urbaine se heurtant puis se mêlant à une école de pensée plus classique voire rigoriste de la danse contemporaine...
L'entrée en matière est d'ailleurs très intrigante. Cette silhouette vue du ciel qu'on imagine bas et lourd et qui avance péniblement dans la poudreuse. Puis elle s'écrase de façon inesthétique sur le dos un peu à l'image du film. Tout me semble résumé dans ce premier travelling. On entre par des bouts de casting (comme pour un rôle) où la jeunesse d'aujourd'hui semble intelligemment radiographiée par petits bouts de phrases, éléments de langage, expressions de visage... On se dit qu'il y a de la vérité qui s'en dégage. Mais on déchante rapidement à mesure que le message du film se résume à des panneaux venant porter jusqu'au spectateur (un peu neuneu ?) des phrases définitives plus creuses les unes que les autres : "Naître est un privilège", "vivre est une impossibilité collective", "le film est un film français et fier de l'être", "il est dédié à ceux (mais pas celles, pourquoi ne pas féminiser ???) qui nous ont fait" mais voici venir le meilleur pour la fin : "Mourir est une expérience extraordinaire" (Ah bon ? tu en sais quelque chose Gaspar ?)... On imaginerait presque des messages comme à l'époque en exergue de Sheitan : "Ne leur pardonnez par car ils savent ce qu'il font" ou comme celui que je propose maintenant "c'est au pied du mur qu'on reconnaît le maçon", "c'est avec l'eau du corps qu'on sort l'eau du puits", "c'est l'homme qui a peur, sinon il n'y a rien"... Tout ça passerait comme une lettre à la poste !!! Parce qu'afficher des mots nus, mis bout à bout quand on avait les images et la liberté d'un film pour le dire, c'est assumer au fond sa propre vacuité. Cela confine au ridicule et enlève à Climax, à son univers, toute sa complexité...
Dès lors que la Sangria se révèle frelatée ou mélangée à je ne sais quelle drogue, Gaspar Noé ne nous épargne aucune idée monstrueuse et donc foncièrement moralisatrice... Et oui... Le message qui s'incarne à l'écran, c'est pour résumer : ne prenez plus ces merdes sous prétexte de vous faire plaisir car si vous le faites, vous allez lyncher l'un de vos potes et jeter dans la neige par -10 degrés, vous allez enfermer un gosse dans un local haute tension et le laisser griller une fois la clé perdue... Vous allez mettre des coups de pied dans le ventre d'une nana enceinte qui poussée (entraînée ?) par le foule va finir le travail toute seule... Vous allez mettre le feu aux cheveux d'une autre copine dans la cuisine et en rire bruyamment et j'en passe et des meilleures...
Gaspar Noé se vante sur un panneau de mettre en scène la vraie France d'aujourd'hui sur fond de drapeau bleu blanc rouge (pour pas être lourd ni redondant). Or ce qu'il oublie de faire c'est d'aimer ses personnages (ceux qui nous ont titillé lors des castings du début), de résumer tous ces danseurs à des paumés plus obsédés par le cul que les hardeurs les plus aguerris et surtout "plus décérébrés tu meurs" (ce qui aurait été le bon titre pour le film à mon avis)... Oubliant la danse, leur passion, les raisons pour lesquelles ils s'y sont adonnés... Au lieu de cela, des cris, de la pisse sur le parquet, des coups de boule, des insultes, du sang qui coule, des corps qui vrillent et l'individu qui disparaît, se dissolve dans le groupe. Circulez y a rien eu à voir...
C'est con parce que Gaspar Noé a tellement de talent derrière la caméra qu'on finit par se dire que ce qui lui manque aujourd'hui c'est de trouver son "âme soeur" en la personne d'un scénariste comprenant ses obsessions et capable de mettre au service de ce talent unique, de ce regard singulier une histoire qui permette au film et au spectateur de décoller ensemble... C'est tout ce que je lui souhaite. Sincèrement.
Parce qu'en l'état, la portée de Climax se révèle minuscule. Une quelconque propagande émanant de services de communication du Ministère de la Santé publique à destination de notre jeunesse pour l'inciter à ne plus prendre de drogue... Je vais d'ailleurs le montrer à ma fille dès ses 12 ans tiens... Rien de plus efficace. Parce que c'est vraiment tout ce qu'il en reste. Un vulgaire film de sensibilisation aux effets néfastes de toutes les drogues sur le cerveau et le comportement. Alors que merde, le lieu et l'histoire (un spectacle, une chorégraphie, des acteurs, pourquoi pas un tueur en vadrouille comme dans le génial Bloody Bird de Michele Soavi, bref du cinéma, on voulait et on aurait mérité du cinéma...) aurait pu accoucher (l'accouchement, l'avortement, sujets évoqués sans finesse tout au long du film) d'un bien bel objet... Au lieu de cela, Gaspar Noé nous offre un film mort né. Comme avorté sur grand écran et s'achevant d'ailleurs sur une énième image pourvue d'une explication en 3 lettres (au cas où on se soit pas rappelé de l'anecdote des gouttes LSD pour les yeux du début...) comme les enfants qui veulent tout souligner ou répéter alors que le message est déjà passé... Triste et dommage