Gaspar Noé, réalisateur français qu'on ne présente plus, revient en grande pompe avec "Climax", film salué lors de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes (où il reçoit l'Art Cinema Award par la Confédération Internationale du Cinéma d'Art et Essai), un huis-clos d'1h30 basé sur un fait d'hiver, où une troupe de danseurs se retrouve lors d'une soirée qui va dégénérer.
D'entrée de jeu le ton est posé : on va vivre une descente aux enfers, comme explicitée par le générique de fin...qui est mis au début du film, sorte de dernier avertissement de Gaspar Noé concernant le caractère inéluctable de cette histoire.
Très vite, nous faisons la connaissance de cette troupe éclectique de danseurs de toutes origines par des images d'interview, où le réalisateur n'hésite pas à directement citer à l'écran ses références, comme "Possession", "Salo ou les 120 jours" ou encore "Suspiria". C'est par ce procédé que nous ferons la connaissance de Lou, Rocco, Cyborg, Omar,(Sofia Boutella en Selva, Kiddie Smile en Daddy et Souheila Yacoub en Lou...des gueules de cinéma uniques qui ressortent vraiment) et tout un trombinoscope de personnages charismatiques et humains, accomplissant leurs rêves via la danse avant de pouvoir partir en tournée aux USA.
S'ensuit un plan-séquence hallucinant d'une choregraphie de groupe, où le talent de chacun est directement mis dans la face du spectateur. Entre scènes galvanisantes et euphorisantes, discussions alcoolisées de soirée (où l'absurde rencontre le burlesque), tout est moyen d'immerger le spectateur dans une réelle soirée.
Car on est bien dans un cinéma de sensations, jamais la caméra virevoltante de Noé n'aura été autant en symbiose avec ce qu'il nous raconte, où le visuel (sublimé par la photo de Benoit Debie, parvenant à créer une palette de couleurs en accord avec le ton), la musique (un sound design allié à une BO d'enfer avec notamment Cerrone, Aphex Twin, Daft Punk ou encore Giorgio Moroder) et la danse (les gestuelles de chacun parvenant à être des composantes clés de la mise en scène du film) ne cohabiteront de manière aussi organiques.
D'une ambiance gaie et jubilatoire, le film basculera au milieu via un point de rupture qui enclenchera une lente descente aux enfers, où la sangria et le LSD se mêlent et entremêlent les pensées de chacun, où les épisodes de transe côtoient la démence et l'horreur, jusqu'à un final allant carrément sur les traces d'Hellraiser ou Silent Hill.
Jamais un bad trip acidulé n'aura été aussi bien retranscrit au cinéma par un Noé libéré via une narration idéalement linéaire, permettant une vraie immersion, où la caméra fait office de guide et de conteur dans cette vision entropique du groupe, où les hommes s'entre-dévorent en-dessous du drapeau tricolore. Un choc des cultures est présent (peut-être pas assez vu la durée limitée), ainsi que des orientations sexuelles et amoureuses dans un vivre ensemble sous forme de dérapage pulsatile.
Véritable coup de poing, on est face à un cauchemar ambulant, enivrant, sensoriel, qui respire le cinéma et dôté d'un casting dément et d'une maitrise formelle indéniable.