Si je devais résumer en un mot ce film, ce serait "crasseux". En effet, Antonio Campos adapte ici le roman sombre et violent de Donald Ray Pollock qui dépeint une Amérique profondément malade, rongée par la culpabilité et la religion. Je suis assez étonné que "Le Diable, tout le temps" se contente d'une sortie Netflix car je trouve qu'il possède une atmosphère particulière et efficace, mené par un casting de haut niveau, qui aurait pu avoir son effet sur grand écran. Tout commence avec un narrateur à la voix grave qui nous immerge entre l'Ohio et la Virginie à la fin des années 50 et qui nous présente des destins brisés par des événements sordides. La volonté du Tout Puissant hante cette histoire, ou plutôt son antagoniste, au point d'en devenir le leitmotiv qui donne raison à toutes les atrocités : fanatisme religieux, folie meurtrière, guerre, abus de pouvoir, viol, harcèlements... Une sorte de galerie des horreurs humaines se dressent devant nous, sans trop de liens apparents entre elles, jusqu'aux rencontres fatales qui écrasent alors chaque pion de l'histoire comme des mouches. Donc oui, cette fresque vénéneuse est lourde, glauque et dérangeante, ne laissant paraitre aucune once d'espoir et de lumière. Plutôt long, j'avais du mal à trouver de l'intérêt à ce film qui, dans son démarrage, fait figure de violence gratuite et redondante, sans pause ni réflexion. Mais progressivement, c'est une histoire d'héritage et de filiation qui se tisse, voire même un regard sur notre karma et nos blessures invisibles mais imprégnées. "Le Diable, tout le temps" (on aurait pas pu trouver meilleur titre !) pose un regard sceptique et perçant sur nos croyances limitées, la notion de rédemption et de libre-arbitre. On s'aperçoit aussi que la ligne entre foi et fanatisme est maigre ! Difficile à regarder et à considérer dans toute sa moisissure, ce film n'en est pas moins une belle surprise, à l'esthétique macabre mais percutante, et aux interprétations toutes aussi habitées et flippantes les unes des autres ! En ligne de mire, on se souviendra du jeu meurtri de Tom Holland, de la folie effrayante de Robert Pattinson et Harry Melling ainsi que de la douce perversion de Riley Keough. Pas besoin d'avoir lu le livre pour s'apercevoir que l'adaptation de ce microcosme pourri de l'intérieur est personnelle et réussie.