S’il repose sur certains motifs récurrents, le Southern Gothic n’en reste pas moins l’un des courants littéraires américains les plus fascinants qui soient et les films qui en sont adaptés ont eux-mêmes pour habitude d’être un peu plus remarquables que la moyenne. Rien que durant les premières minutes du ‘Diable, tout le temps’, on a l’impression persistante d’entendre Stephen King raconter une de ses nouvelles “non-fantastiques”, avec sa manière inimitable de soulever le tapis propret qui recouvre les petits villes rurales pour en dévoiler la pourriture cachée et les secrets les plus inavouables. En fait, c’est un certain Donald Ray Pollock, auteur tardif du bouquin en question, qui s’en charge mais le procédé reste identique, et semble tout aussi maîtrisé que chez l’écrivain du Maine. Pendant vingt ans, de 1947 à 1965, les destinées de plusieurs personnages vont se croiser, sans qu’ils se connaissent directement, dans cette région au confluent de l’Ohio et de la Virginie occidentale. Le casting est de très grande classe (Tom Holland, Robert Pattinson, Jason Clarke, Riley Keough,...) mais la présence de ces acteurs bankables n’implique pas qu’on se retrouve devant un Thriller trop évident, un polar trop littéral et encore moins du surnaturel à la petite semaine. Si le recours permanent aux flash-backs ne semble pas totalement maîtrisé et rend parfois l’ensemble fouillis, le concept du “Diable, tout le temps’ fonctionne à merveille : il repose sur une abstraction, sur l’idée d’une transmission invisible et intangible du Mal, qui irrigue des familles et des régions entières, et va jusqu’à orchestrer les rencontre fortuites et répétées de ses principaux vaisseaux. Si le “Diable” n’apparaît jamais, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas, dans cette région du monde où religiosité et vertu ne sont érigées au rang de vertu cardinale que pour servir de contrepoids au vice qui corrompt les âmes, peut-être plus qu’ailleurs. Un tel film, à l’exception de ses rares explosions de violence, pourra sembler lent et décousu, donner l’impression de ne rien avoir à dire et de battre la campagne à la recherche de liens qui n’en sont pas : c’est peut-être là que se trouve la limite des adaptations de ce genre de littérature, et c’est la raison pour laquelle ‘’Le diable, tout le temps’ demande qu’on le laisse infuser car le plaisir qu’on en tirera tient surtout aux horreurs qui se dissimulent entre les images, au-delà des événements qui sont présentés à l’écran, et qu’il sera de la responsabilité du spectateur d’exhumer et d’inclure dans sa représentation mentale du récit.