Que le cinéma "indie" américain est beau, quand il touche au sublime. Tout est parfait , un scénario, inspiré d’une histoire vraie, parfaitement écrit, adapté , ciselé, sans temps mort, avec juste ce qu’il faut pour toucher, pour émouvoir. Un drama très fort, très violent , à la limite du supportable parfois , avec une tension permanente , où l’on se demande ce qu’il va se passer , un vrai suspens qui ne peut déboucher que sur du tragique, il y a une sorte de vision Shakespearienne du monde, le destin des personnages est scellé, il est lourd, il est irréversible. Une esthétique superbe, une multitude de plans soignés, aux éclairages nocturnes colorés, avec des teintes bleutées, rougeâtres, surprenantes. Le plan final est d’une beauté à couper le souffle, avec des lumières qui jaillissent de partout sur un fond d’écran bleu nuit, profond. C’est aussi un drame social, qui se passe dans la classe prolétarienne américain, comme on la voit très peu dans le cinéma d ‘ Hollywood, décrite avec subtilité, sans pathos, mais sans complaisance (on voit Chloé Sevigny travailler à l’usine) .Et puis bien sûr le jeu époustouflant des deux actrices principales : Hilary Swank , fait une prestation énorme, qui arrive à se transformer, à se jouer de son corps fluet, fragile , pour le rendre masculin , ou en tout cas androgyne. C’est magnifique, elle joue la douleur , la tristesse, mais aussi la passion , parce qu’elle adore « devenir » garçon, pour séduire d’autres filles. Et elle vit un bonheur intense dans ces quelques moments de séduction qui s’offrent à elle. ( i.e. la sublime scène d’acte sexuel :
avec Chloé Sevigny, avec l’usine en fonds d’écran, d’un bleu indigo intense, ou Swank fait jouir Sevigny, en la caressant minutieusement sans que l’autre devine qu’elle est une fille, le corps de Sévigny est sublime, l’acte est intense , l’étreinte est rare )
. Une scène d’anthologie .Elle mérite amplement cet Oscar donné courageusement pour un film si dur , si atypique. Et puis aussi Chloé Sevigny, l’ égérie du cinéma indépendant US, qui arrive à enchainer des films courageux, risqués, casse gueule, qui aurait pu griller sa carrière , mais qui au contraire est devenue aujourd’hui une valeur sûre du cinéma et de la TV, US. Il faut voir le formidable « Kids » de Larry Clark, son premier film, où elle était déjà sublime de fragilité, ou « Brown Bunny » le magnifique Opus de Vincent Gallo. C’est une actrice, exceptionnelle, à la beauté diaphane, différente, et discrète, qui joue tout en douceur, en subtilité. Une bande son originale qui est un régal,c’est la cerise sur le gâteau, mêlant le rock sauvage et les ballades country. Le film est aussi une ode à la tolérance, à l’ouverture d’esprit, comprendre la différence, ne pas stigmatiser, mais sans didactisme ni lourdeur, avec beaucoup de finesse, une grande réussite pour Kimberley Peirce .