Fidèle au registre qu’il explore dans quasiment tous ses films, le japonais Hirokazu Kore-eda aborde à nouveau le thème de la famille, mais pour le mettre en question. Ce faisant, il s’aventure du côté d’une critique radicale de la notion de famille au sens traditionnel du terme. C’était déjà le cas dans certains de ses films précédents, mais dans « Une affaire de famille » la critique est telle qu’on peut avoir le sentiment d’être en présence d’un film à thèse. D’une certaine façon, le cinéaste cherche à prouver que la cellule familiale telle qu’on l’entend habituellement est caduque et qu’il n’y a de vraie famille digne de ce nom que celle qu’on choisit et non celle qui nous est imposée par la naissance.
Pour étayer une telle démonstration, il met en scène une famille, en effet pour le moins atypique, de marginaux qui vivent d’expédients et de rapines. Il y a là une femme âgée, Hatsue, un couple qu’elle héberge, Osamu et Naboyo, un garçon (Shota), une jeune fille (Aki) et bientôt une petite fille prénommée Juri. Or cette dernière, découverte abandonnée sur un balcon, est recueillie et bientôt adoptée par toute la tribu, qui jure ses grands dieux qu’il ne s’agit pas d’un enlèvement puisqu’il n’est nullement question de demander une rançon. En vérité, la fillette s’intègre si bien à ce groupe qu’elle en devient un des membres, trouvant là sa véritable famille.
Certes, la galerie de portraits que dépeint Hirokazu Kore-eda, toute cocasse et décalée qu’elle soit, n’en est pas moins attachante. Certaines séquences émeuvent sans forcer le trait : ainsi quand Aki, qui s’exhibe dans un peep show, fait venir son client dans une salle privée pour ne rien faire d’autre que de l’étreindre en silence (sans même se déshabiller !). Malheureusement, la plupart du temps, le cinéaste se contente d’aligner des scènes répétitives, au point d’être lassant. Et quand survient le dénouement, avec intervention de la police, le spectateur est placé de force devant l’amer constat : la société, représentée par les forces de la loi, ne veut pas de cette famille de marginaux qui ne ressemble nullement à une quelconque image traditionnelle.
Nous voilà donc, à nouveau, avec un film qui, même s’il est plus raffiné que d’autres, ressemble à ce que je dénonce chaque fois que j’en ai l’occasion. Le cinéaste nous a pris par les sentiments pour nous imposer gentiment sa vision décalée de la famille idéale. On peut s’y laisser prendre, comme le jury du festival de Cannes qui a décerné à ce film la Palme d’Or, mais on est aussi en droit de rester dubitatif…