Un film déroutant, dérangeant, unique. Un sorte d’Ovni dans le paysage cinématographique, mais surtout le film le plus Sadien jamais vu à ce jour, recréant l’esprit libertin du 18e siècle.. Le film se passe entièrement de nuit dans un bois sauvage ou la noblesse libertine, exilée de France par louis XVI ,vient se réunir pour pratiquer le libertinage. C’est un ballet incessant de voyeurs , mêlant nobles, serviteurs , prélats et nonnes, qui rôdent autour des arbres et des bosquets guettant de scénettes d’exhibitions . Beaucoup d’onanisme devant ces scénettes, des pratiques de SM , très Sadienne sur des hommes ou des femmes, et dans la 2eme partie beaucoup d’ondinisme masculin et féminin ( peut-être les plus belles scènes picturalement) . Ce n’est pas de l’érotisme moderne « joyeux », ludique, ou jouissif, mais des pratiques un peu brutales comme les décrit Sade, où la souffrance et la mort sont liés au plaisir.. Le film est très lent, mais il faut se laisser porter par ce rythme poétique et envoutant qui est crée grâce à deux facteurs très réussis. Tout d’abord la bande son constituée d’ une voix qui lit des textes anciens libertins, ,elle est excellente , rauque , prenante, parfaitement dans l’esprit, cette voix est accompagnée de bruits de forêts , de branches qui bruissent , de cigales, , de coups de fouet, ou de halètement de plaisir , hors champ, qui nous tiennent en haleine perpétuelle et créant une tension permanente . Et puis une image incroyablement travaillée, un chef opérateur exceptionnel, car tout est très sombre et à chaque plan une infime partie de l’image s’éclaire, 1/10e, 1/20e et c’est dans ce bout de cadre que l’action «s’érotise » . Et de fait la lumière est juste suffisante pour deviner l’action ; c’est un dosage millimétré, juste de ce qu’il faut, qui nous place alors en positon de « voyeur » pendant tout le film. Comme un des personnages voyeur qui observe les scénettes à la longue vue, le spectateur voit aussi un bout d’angle de prise de vue. C’est formidablement réussi, et cela crée de l’angoisse et de l’ attente .D’une certaine manière les acteurs ont un rôle ingrat car on les voit jamais complètement, et on ne devine souvent que des parcelles d’eux. Mais le film est un réussite , un long poème , captivant , il faut se laisser porter, choquant parfois par certaines scènes sexuelles, mais très certainement prouvant que Albert Serra possède un vrai génie créatif.Le plan final de l'arrivée de l'aurore, au teintes pâles mais chatoyantes, est d'une grande beauté , digne d'un tableau de Turner. Et c’est magnifique qu'un tel film puisse être produit.