Lors d’un voyage en décembre 2011 à Aceh, une province indonésienne, Kôji Fukada a été marqué par la manière dont les habitants avaient vécu le raz-de-marée de 2004, en contradiction avec la manière dont les Japonais avaient vécu le tsunami de 2011. « La semaine que j'y ai passée était comme un rêve. Tout ce que je voyais me fascinait. Un bateau, que le raz-de-marée de 2004 avait déporté au sommet d’un bâtiment. Une vieille femme, vendant des souvenirs de la catastrophe avec détachement. Un monument, arborant la photo d'une noyée. Un chauffeur, qui m'a glissé avec objectivité que la mort de sa famille dans cette grande vague avait été la volonté de Dieu », se souvent le réalisateur.
Cinéaste japonais, Kôji Fukada a tourné pour la première fois en Indonésie. Il en garde un excellent souvenir et salue le travail de l’équipe indonésienne : « La plupart étaient très jeunes mais travaillaient vite. De plus, ils se sont toujours donnés de la place pour respirer et s’amuser. Quand je dis aux gens au Japon que j'ai fait un film en Indonésie, ils répondent souvent : « Cela a dû être difficile ». Mais au cours de mes 15 années de réalisation de films, y compris de travail sur des projets autres que le mien, je n'avais jamais vécu une telle expérience. Un environnement de travail calme et efficace. Bien sûr, il y avait la barrière de la langue mais avec l'aide d'interprètes, cela s'est avéré être un obstacle surmontable. »
Laut signifie "mer/océan" en indonésien. Au sujet de ce personnage, le réalisateur déclare : « Il n’a pas été facile de définir ce personnage, de le positionner. J’imaginais combien des spectateurs auraient du mal à cerner un homme qui peut donner la vie comme la reprendre. J’ai finalement pensé qu’il fallait l’abstraire du langage, laissant le spectateur à son imagination. »
Conscient que le personnage de Laut peut apparaître comme une figure messianique, le réalisateur affirme que cela n’était pas intentionnel, même si son but était d’interroger les religions. Il explique : « les humains sont à la base des animaux qui ont réussi à construire un système de valeurs, une philosophie. Mais malgré tous ces acquis, on ne sait toujours pas pourquoi on vit, pourquoi on meurt. Alors que les autres espèces animales ne se posent pas cette question, elle obnubile les humains qui en sont venus à avoir besoin de mythes pour ne pas en souffrir. Cela a donné forme à diverses religions […]. Mais ce n'est qu'une manière de s'arranger avec ce qui échappe à notre compréhension, à notre contrôle. À partir de là, il est tout à fait normal, du moins pour les croyants, de voir dans ce personnage, une passerelle vers la croyance. »
Après Hospitalité et Harmonium, le réalisateur met une nouvelle fois en scène l’intrusion d’un inconnu : « Ce n'est pas vraiment conscient. D'ailleurs, je me suis aperçu de cette récurrence après que des spectateurs me l'aient fait remarquer. Cela dit, je suis convaincu que le seul moyen de dépeindre un cercle social ou une communauté est de le faire par un élément extérieur. C'est une technique narrative finalement assez simple, mais qui permet d'avoir plus pleinement une objectivité sur le groupe filmé. »