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    An Elephant Sitting Still
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    26 critiques spectateurs

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    Hotinhere
    Hotinhere

    571 abonnés 4 997 critiques Suivre son activité

    2,5
    Publiée le 23 avril 2023
    Un drame existentiel mélancolique et hyper-déprimant, souffrant malheureusement d’un gros manque de rythme, qui suit les destins croisés de quatre personnages qui traînent leur spleen dans une ville sinistre chinoise post-industrielle.
    Une noirceur accentuée par le suicide du réalisateur pour son premier et dernier film.
    Quand rien ne va !
    maxime ...
    maxime ...

    250 abonnés 2 069 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 26 mars 2023
    An Elephant Sitting Still ( 大象席地而坐, Dà xiàng xídì'érzuò ) fait partie de ses films qui font quelques peu peur, de par sa durée, mais aussi dans la construction globale de son cadre, de son ambiance, de son atmosphère sombre. Pourtant, après l'avoir enfin vu, j'aime à dire qu'il y a un quelque chose d'unique dans le récit de cette tristesse, de ce coin de Chine qui rêve, à défaut de rire ...

    D'emblée, comment ne pas être frappé par les visages que l'on découvre ? La même expression se traduit sur les contours, de ses derniers, qu'importes les traits, le poids des années. Il ne faut pas attendre longtemps pour que l'évocation des odeurs, de la difficile condition du quotidien pour comprendre que la journée va être chaotique. En même temps tout est dit explicitement par le père de l'un de ses personnages titres, on ne peut donc évoquer la surprise. La colère, la culpabilité, le sentiment d'abandon, seront en revanches des contenants dont il sera question avec permanence, dans un étirement en long et en large d'une subtilité incroyable.

    Le décors est ici le cinquième personnage, les deux jeunes hommes, le plus ancien, la jeune femme dont l'on découvre le lien au travers de cette ville qui les unies laissent entrevoir sa pauvreté, son foutoir, son isolement. Les appartements, du hall à sa cour, tout comme son école et son hôpital ont aussi insalubre que ces rues jonchées d'objets, ou errent ces différents personnages qui à mesure lui renverront la monnaie de sa pièce au travers d'une fuite comme projet. Enfin, quand je dis tous, cela n'est pas totalement juste ...


    Hu Bo, son réalisateur, dont il s'agira de son unique film, s'approche de manière millimétré et raconte des trajectoires dans cet entrelacs de tensions, désastres, confrontations, lassitudes, avec un regard attentionné, comme une métaphore aussi difficile que poétique. Le réalisme de sa contrition bouleverse davantage que ses quasi 4 heures sont à la fois superbes, du point de vue des images surtout, que presque insoutenable tant il n'y a qu'une toute petite once d'espoir ! Il suffit de compter les sourires, ils sont eux aussi aux abonnés absents, ou alors d'un cynisme ou seul la moquerie les invoquent. Je n'en oublie pas la résignation, une autre force motrice qui force les zygomatiques.

    La mauvaise chute, dans sa lecture confondante et multiple pour tous est un autre de ses points sur lequel son metteur en scène reconstitue le défilée de cette journée qu'ils les amènent à vouloir rejoindre Manzhouli. Si la conduite de cette narration s'inscrit dans un rythme ou le temps compte, il ne perd de vue sa saccade et les brusquement en matière de tempo. La violence, en est très souvent le moteur. La bagarre du chien, celle des couloirs, les mots d'une fille à sa mère et son contraire mais avant cela également la première mort du long métrage, ce suicide auquel nous assistons de par les yeux de Yu Cheng, que nous embrassons dans sa course folle. Il y'a des cris dans le cœur de son interstice, ils sont aussi brutaux que ses silences, que de touts ses teintes et tons. J'aime prendre comme exemple cette phrase, qui à première vue n'a rien d'extraordinaire dans notre rouage : " - Ca n'a rien à voir avec toi ! ". Cette parole de Huang Ling à sa camarade choquée d'une scène qu'elle n'a pas vu, mais dont elle prend partie de par ses larmes situe un condensée de conscience vis à vis d'une projection qui dépasse la réalité, pour un jugement de circonstance, sans recherches, car prétendument évidentes.

    L'organisation de cette journée déterminante, comme le carrefour ou les décisions s'axe et s'encre à l'indélébile confronte le flou, le vague, avec des certitudes là encore, plutôt proche de ses bas-fonds. Je permet une fois de plus de cité : " - Moins que rien ". Voilà, comment la considération est faite malgré une proximité familiale, car tout le monde est " détestable ". Je ne souhaite pas démontré une formule explicite, ou être particulièrement précis, dire quel personnage nous dicte de par ce biais ses points de vues, qu'importe que l'on soit d'accord ou non avec, c'est bien l'énoncée qui pour moi situe le paroxysme de sa définition. L'amertume, un autre exposé est manifesté, une de ses plus belles scènes au passage, celle qui m'a le plus touché. Un indice, il est question de tunnel, de faute renvoyé au visage, de sentiment de condamnation ou les yeux ouvert sont gage de souffrance, encore plus exsangue ! Un rejet pour radicalité.

    La minuscule brèche intervient dans son final, là encore, assez long. Il faut, une fois de plus, passé par une mort, puis une autre pour entrevoir un échappatoire, sans faux semblants, avec une attente quasi aux rabais, encore contrasté par des changements de dernières minutes ... Sa relâche d'émotion est passé au préalable, dans l'heure qui précède, voir quelques minutes avant tout de même ! Un coup de batte, un cri en face de sa ville, une arme en dessous d'un menton après des mots souffreteux entre consécration et éloge pour une méthode qui s'imprègne de la monstruosité de la peur, motrice et grande vainqueur, qui règne, qui offre son quart d'heure de gloire à type franchement triste. Qu'il soit menteur, tricheur, pathétique n'accentue que le malaise, et la perte de toute chaleur ! Le sarcasme, sur l'héroïsme accueillie comme on le vois, achemine une perdition lourde en évocation.

    An Elephant Sitting Still raconte la vacuité d'une existence, du terne, du gris, à la fois morose et romantique. Une douleur entamé dans une quête, ou l'on essaye simplement de survivre, si l'on ne peut complètement vivre. Le bruit de l'animal, change t'il quelque chose ? Sans doutes pas. La musique de son générique m'a en revanche sortit de toutes ses idées trop difficiles d'une matinée pluvieuse !


    Un magnifique long métrage sur les difficultés à voir plus loin, qui s'arrête, en pleine course. Un peu dur, à revoir en étant un plus prêt ! J'en oubliais un ultime point, un grand bravo pour ces comédiens !
    ned123
    ned123

    161 abonnés 1 703 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 12 mars 2023
    J'ai vu un film... d'une noirceur sans fond dans la vie non-sublimée de la Chine dite "communiste", mais où la misère humaine émerge de la mocheté de l'environnement des villes mal construites, aux câbles apparents et aux ordures visibles et répandues...

    On baigne dans un spleen de vie "ratées" et détruites au travers de portraits de loosers écrasés par la vie et leurs choix terribles. Il y a si peu d'optimisme, si peu de lumière, si peu de possibilités... Le film dure près de 4h, et chaque minute apporte son lot de poids et de noirceur... Il n'y a pas d'espoir, pas de perspectives, pas de lumière au bout du tunnel...

    C'est un film désespéré et le réalisateur s'est suicidé à la fin du film, il avait 29 ans...

    Une première et dernière œuvre... Trop de résignation, trop de douleurs, trop de peine... dans cette vie sinistrée et cette ville sinistre... Il est tellement difficile d'avoir la foi dans la vie et le futur (dixit le réalisateur), et ces vies engluées dans des petits choix font encore plus de peine... Il en faut de la force pour garder de l'espoir en l'humanité...

    D'un point de vue de réalisation, quelle maîtrise, quelle puissance dans la narration... La durée du film m'a fait très peur, mais au final, même si parfois, on peut en sortir par moment, on est totalement happé par ce film choral où les protagonistes se croisent, en découdent, souffrent, pleurent... Des vies déprimantes dans un pays déprimant...
    jroux86
    jroux86

    7 abonnés 46 critiques Suivre son activité

    3,0
    Publiée le 5 décembre 2022
    J’ai un ressenti un peu différent de ce que j’ai pu lire ici ou là au sujet du statut de ce film, en particulier vis-à-vis du suicide de son auteur. Je crains que par ce geste funeste, qui semble d’ailleurs lié à la réalisation de ce seul et unique long métrage, celui-ci n’acquière une sorte d’aura un peu usurpée – et donc un peu superficielle –, faisant oublier ce qui représente à mes yeux quelques errements, mais aussi et surtout d’indéniables qualités.

    S’il est vrai qu’il y a quelque chose de particulièrement troublant à regarder une œuvre à ce point hantée par la mort (nombre de répliques y font référence, j’ai par exemple en tête celle d’une passante, parlant vraisemblablement des jeunes en général, et lançant au personnage principal : « On vous fera la peau ! ») alors que son auteur se l’est donnée peu de temps après sa conception, je reste peu convaincu par la pertinence de la métaphore animale, fil conducteur du récit et trait d’union entre les personnages. J’y vois une référence bien trop explicite au cinéma de Bela Tarr, alors qu’il suffit de se laisser emporter par la longueur (la langueur !) et la virtuosité des plans-séquences pour comprendre d’où le cinéaste tire son inspiration. Il me semble que cette métaphore fonctionnait mieux dans Les Harmonies Werckmeister, voire même dans le final de la Dolce Vita, où l’inscription mythique du récit était porteuse de davantage de sens. An Elephant Sitting Still est un film qui, selon moi, trouve de l’intérêt dans son ancrage très contemporain, avec ce décor de cinéma fantastique (et naturel !) : une ville qui se désindustrialise, laissant ses habitants à ses installations rouillées, ses murs décrépis, ses gares sales. Un décor qui figure parfaitement la société délabrée dans laquelle évolue chacun des personnages. Si le récit avait sans aucun doute besoin d’un eldorado pour ne pas sombrer dans un nihilisme total, celui-ci pouvait peut-être prendre une autre forme que la citation probablement voulue par son auteur. Jacques Morice, dans sa critique parue dans Télérama, avance l’hypothèse que cet éléphant assis serait une image de Bouddha. C’est intéressant et plausible mais je n’ai personnellement vu aucun élément touchant de près ou de loin au sacré à l’intérieur du film.

    Après il faut reconnaître au jeune cinéaste des qualités indéniables, et le film est ponctué d’audaces assez remarquables. Le point de vue sonore, par exemple, est ici utilisé avec beaucoup de pertinence. La rumeur de la ville s’entend partout, quel que soit le lieu où se déroule la scène, en intérieur comme en extérieur. On me dira que d’autres l’ont fait. C’est vrai. Mais sur un film de 4h, cela produit son effet. D’autant plus que cette ville, triste et pourrissante comme dit plus haut, à une place importante dans le récit, son lent délitement semblant gagner peu à peu l’ensemble de ses habitants. La scène du combat avec le chien, laissée en hors champ, mais uniquement vécue du point de vue sonore est également assez marquante.

    Ce qui impressionne aussi, c’est comment le cinéaste passe d’un point de vue à l’autre dans une même séquence, passant avec beaucoup de fluidité de l’objectif au subjectif, comme dans cette scène où le personnage principal doit retrouver son ami dans un centre commercial ; la caméra épouse son regard avant de prendre du recul puis revient pour être les yeux du jeune garçon. C’est aussi le cas dans la maison de retraite, avec ce plan-séquence au ralenti, passant d’une chambre à l’autre et laissant apparaître des ombres qu’on devine être des vieux, perdus dans le surcadrage de la porte. Avant de passer à la chambre suivante, la caméra reste dans le noir du couloir, longtemps. Une scène digne d’une installation artistique qui trouve ton son sens à l’intérieur du récit puisque spoiler: c’est l’autre perspective pour le personnage du grand-père. On comprend dès lors qu’il préfère se projeter dans cette contrée bizarre de « l’éléphant qui reste assis toute la journée ».


    Finalement, si l’on ne peut que regretter la mort prématurée de ce jeune cinéaste, c’est que ce film était la promesse d’une œuvre singulière et artistiquement engagée (en atteste la longueur exceptionnelle de ce long métrage). Une œuvre d’autant plus passionnante que Hu Bo aurait eu le temps de se libérer de ses influences pour composer sa propre petite musique - un adagio triste, sans aucun doute.
    anonyme
    Un visiteur
    4,5
    Publiée le 24 août 2022
    Dans une ville brumeuse du nord de la Chine, quatre personnages abîmés par la vie déambulent dans les rues, fuyant leur quotidien et les drames qui les poursuivent. Leur seule échappatoire, l'espoir d'un voyage sur une plage située à une centaine de kilomètres de chez eux, sur laquelle, dit-on, un éléphant attend assis, immobile, impassible face à son désarroi.

    Premier et dernier film du réalisateur Hu Bo, adaptant son propre roman, An Elephant Sitting Still est un testament dramatique. Dramatique car il dépeint des personnages incapables d'affronter la rudesse de ce monde, véritable métaphore du réalisateur lui-même, qui mettra fin à ses jours à l'âge de 29 ans, avant la sortie en salle.

    Durant 4 très longues heures, nous suivons les déambulations désabusées de ses personnages, que rien ne rattache plus ni au bonheur, ni à la vie. Caméra au poing, proche de ses acteurs, le film est un enchaînement de plans séquences parfois interminables, entrecoupés de dialogues ponctués de longs silences. Il faut savoir à quoi s'attendre avant de commencer cette aventure.

    Hu Bo capture la détresse du quotidien. L'impossibilité de vivre heureux dans une société détruite par l'égocentrisme et la solitude. C'est un hurlement de chagrin. Un ultime cri du cœur, désespéré et optimiste à la fois, une ultime tentative pour retrouver un peu de beau dans ce monde. Entreprise vaine. Le jeune homme succombe à sa dépression dès le montage du film achevé.

    Oeuvre éminemment politique et engagée, son auteur reste alors comme une étoile filante, un génie hyper sensible hanté par ses démons, dont il savait probablement à l'avance qu'il ne pourrait jamais les vaincre. An Elephant Sitting Still, c'est le vœu final d'un écorché vif, hurlant qu'on le comprenne enfin, conscient que les mots pour cela ne suffisent pas, et qui, seul et sans un sou, a choisi la caméra pour nous parler à cœur ouvert.

    Un film marquant, d'une noirceur insondable, n'oubliant jamais notre humanité commune, malheureusement insuffisante pour garder près de nous les désespérés dont Hu Bo faisait partie. Nous sommes orphelins d'un révolutionnaire du sens, du beau, du lien, alors faisons vivre ce chef d'oeuvre, et prenons soin les uns des autres.
    Ours K.
    Ours K.

    3 abonnés 11 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 31 mai 2022
    Plus baudelairien que ce film tu meurs. C'est malheureusement le choix que fit ce jeune cinéaste entré en conflit avec ses deux producteurs et qui aura su garder le contrôle du montage de son film jusqu'au bout.
    Ce film, véritable météore dans le ciel cinématographique, entremêle les destins de quatre personnages tous aussi dépressifs les uns que les autres. Un adolescent, une adolescente, un jeune adulte et une personne âgée que ses enfants veulent placer en maison de retraite.
    La lumière du film est d'un gris complètement sublime durant quatre heures, chapeau au directeur de la photographie. Le léger brouillard qui envahit cette ville mystérieuse, et l'intérieur de tous les personnages, laisse passer quelques rares mais perceptibles moments de lumière (et donc d'espoir).
    Ce premier et donc unique film d'un gars de 29 ans est un poème hallucinant rempli d'un spleen décoloré.
    Une expérience inoubliable.
    Pascal
    Pascal

    164 abonnés 1 700 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 19 septembre 2021
    Précédé d'un accueil critique de premier ordre, la sortie de "elephant siiting still" du Chinois Hu Bo ( 29 ans, qui se suicidera après ce qui restera son premier film) m'avait beaucoup intéressée. Malheureusement vite déprogrammé, je n'ai pu voir le voir qu'en dvd quelques années plus tard. Disons le tout net, je ne partage pas l'enthousiasme illimité de certains. Certes le film présente au plan du contenu un grand intérêt. Il nous montre que la Chine du capitalisme d'État ne procure vraiment pas le bonheur. L'amélioration des conditions matérielles conduit à la déstructuration des rapports humains. On peut aussi en prendre de la graine sous nos latitudes. Cette thématique a été largement traitée par le plus important réalisateur Chinois du moment qu'est Jia Zhang Ke. Au plan formel, la réalisation se rapproche beaucoup de celle du Taïwanais Tsai Ming Liang. Le gros défaut du film porte sur sa durée : près de quatre heures, qui rendent les trois dernières heures souvent ennuyeuses. C'est dommage. Selon moi le film aurait pu être traité en 90 minutes. Ces longues plages d'ennuis sont un parti pris esthétique plutôt contestable. Un bon film mais n'exagérons rien, ce n'est pas un chef-d'oeuvre loin s'en faut. Les films de Jia Zhan Ke sont eux bien supérieurs. Il est vrai que ce dernier est un des meilleurs réalisateurs en activité du cinéma mondial .
    Marc L.
    Marc L.

    46 abonnés 1 607 critiques Suivre son activité

    3,0
    Publiée le 17 janvier 2021
    Un vieillard poussé vers la maison de retraite par des enfants ingrats, un adolescent traqué pour avoir rossé le petit caïd de son école, un voyou qui se sent à peine coupable d’avoir poussé son meilleur ami au suicide,...les destinées de ces figures marquées par l’indifférence et la résignation vont s’entrecroiser au gré de leurs déambulations dans une ville sinistre du nord de la Chine, dont la grisaille porte déjà en elle un parfum de fin du monde, sans pour autant que des liens puissants se tissent entre eux, à l’instar de ce qui se fait dans la plupart films choraux européens ou américains. Tous ces personnages cherchent à saisir une opportunité de s’échapper de cet enfer immobile, sans vraiment croire en leurs chances de succès, dans l’espoir de découvrir quelque chose de différent, qui leur prouverait qu’autre chose est possible. C’est par la rumeur d’un éléphant qui resterait assis dans l’enclos du zoo d’une ville voisine, indifférent au tumulte du monde qui l’entoure, qu’ils parviennent à maintenir un semblant d’espoir pour un ailleurs édénique. A l’instar de beaucoup d’oeuvres chinoises “engagées” (du moins, autant que faire se peut en Chine), ce drame existentialiste s’est donné pour mission de dénoncer ce qu’est devenu leur pays, pas en s’en prenant au système évidemment, aucun cinéaste chinois ne prendrait un tel risque, mais en pointant du doigt les conséquences visibles de cette transformation trop rapide : le spleen et la sensation d’incomplétude que ces gens ordinaires ressentent, leur impossibilité de s’attacher durablement à leurs semblables, sont liées à la société impitoyable et égoïste et au climat de violence sociale auxquels ils se confrontent tous les jours, et qui détruit jusqu’aux rapports humains les plus élémentaires. D’un certain point de vue - celui des cinéphiles avertis - avec ses plans-séquences virtuoses, son action et ses dialogues minimaux, et sa capacité à en révéler beaucoup avec une extraordinaire économie de moyens, ce tableau ultra pessimiste de l’humanité, dans lequel clignotent pourtant de fugaces lueurs d’espoir peut sans doute être considéré comme un chef d’oeuvre. Hu Bo, jeune cinéaste formé et adoubé par le Hongrois Béla Tarr, ce qui fournit quelques indications sur la beauté aride de son style, l’exigence de sa vision et l’investissement attendu de la part du spectateur, a visiblement tout donné, a injecté tout ce qu’il était et tout ce en quoi il croyait dans son premier long-métrage...mais je dois confesser que je ne suis pas parvenu à venir à bout des quatre heures qui lui ont été nécessaires pour déployer sa vision du monde et du cinéma, pas plus que je ne suis parvenu à “vaincre” les films de son mentor, aussi magnifiques soient-ils. Je ne risque malheureusement pas de bénéficier d’une séance de rattrapage : si Béla Tarr avait annoncé sa retraite en 2011, convaincu que son cinéma n’avait plus aucune place dans une modernité satisfaite de sa propre médiocrité, Hu Bo, usé par le tournage et les conflits perpétuels avec ses producteurs, mit fin à ses jours au terme du tournage, à l’âge de vingt neuf ans.
    Melvin Heurtebise
    Melvin Heurtebise

    3 abonnés 55 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 24 février 2020
    Dire que j'ai revu mes professeurs de primaires dans le petit cinéma indépendant de ma ville durant cette séance, film drôlement long (quasiment 4 heureuse) très nihiliste et misanthrope, une œuvre fleuve comme on en reverra pas de si tôt. Je ne savais même pas que Hu BO s''était donné la mort avant la sortie du film mais en y repensant c'est plus si surprenant que cela, les plans interminables de dos comme s'il voulait nous dire que le langage est le vice de l'homme, les acteurs sont attachants j'aime le parfum que dégage ce film mais je n'ai pas compris la fin où est ce qu'il voulait en venir ? si jamais quelqu'un peut m'éclaircir ce serait chouette
    Bertrand Barbaud
    Bertrand Barbaud

    205 abonnés 396 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 19 janvier 2020
    Un film d'une suprême sensibilité, d'une terrible noirceur et d'un réalisme implacable. Cet unique film de Hu Bo restera, c'est sûr, dans l'histoire du cinéma. C'est un portrait peu glorieux de la Chine actuelle et d'une jeunesse atone, brutale, stupéfaite, meurtrie, pleine de rage contenue que nous montre ce jeune réalisateur. Le film est long, âpre, les plans sont tirés au cordeau, les mots sont lourds de sens mais l'amour des comédiens et la mise en scène d'une tenue impressionnante tirent le film vers le haut, vers une hauteur inespérée.
    Tumtumtree
    Tumtumtree

    174 abonnés 534 critiques Suivre son activité

    5,0
    Publiée le 19 janvier 2020
    Un immense film ! An Elephant sitting still est pour moi l'un des quatre ou cinq plus grands films de ces quinze dernières années. Évidemment, c'est un film particulièrement exigeant : 3h54 passées dans une Chine désespérée où des quasi-quidam s'interrogent sur la culpabilité, le mal, le suicide en de longues scènes tournées en temps réel. Mais oui, quel film ! Le récit s'organise en une seule journée (puissance de l'unité de temps) comme un entrecroisement de destins de personnages liés par des événements plus ou moins tragiques : un mafieux connu pour sa violence mais brisé par ses échecs amoureux et le suicide d'un ami, un vieillard chassé de chez lui par ses enfants qui manquent de place, un adolescent qui cause un accident dans son lycée, et une de ses camarades prise entre sa mère à bout de nerf et son aventure avec le proviseur adjoint. De ces histoires croisées émerge une vision particulièrement sombre du monde, où tous se rejettent la faute de tout, avant qu'un personnage clé ne vienne révéler que même ces transferts de culpabilité n'ont aucun sens puisque le monde est absolument et éternellement mauvais. Toutes les cellules familiales éclatent, les jeunes que l'on croise finissent par ne plus croire en rien tant on leur répète qu'ils courent à la catastrophe, les seconds rôles passent leur temps à annoncer des drames aux héros. Et pourtant, le film est lumineux, car chacun des personnages principaux porte en lui une humanité hors du commun. Mais aussi parce que le récit s'apparente à un conte, parfois irréel et onirique, où revient sans cesse l'idée du jeu (le billard, jongler avec ses pieds, le volant de badminton, etc.) et surtout un récit où tout converge vers ce mystérieux éléphant assis que tous, pour des raisons différentes, veulent aller voir. Cet éléphant, symbole d'un monde fantastique où l'inexplicable et le futile viennent remplacer la violence et le matérialisme du monde réel. Pour servir ce récit, Hu Bo a trouvé des comédiens exceptionnels qui parviennent à être justes pendant des plans de 10 à 15 minutes, trouvant le tempo d'un dialogue des plus philosophiques et dont les visages sont aussi puissants que ceux qu'on voit chez Antonioni ou Bergman. La mise en scène est elle aussi à se damner. La photographie, d'abord, dans cette ville chinoise brumeuse aux tons bleus, gris et roses qui rappellent le film islandais Winter Brothers. La mise en espace surtout dont je n'ai jamais vu aucun équivalent. Hu Bo établit un rapport entre le réel et le filmé très singulier. Il parcourt la réalité d'un décor et de ses personnages dans les quatre dimensions, en de longs plans séquences particulièrement fluides (10-15 min, parfois plus) où il retrouve sans cesse les cadrages qu'il veut. Là il marque un temps de pause, de sorte qu'on a l'impression que c'est une suite de plans montés alors que tout est dans la continuité. Incroyable. L'usage de la musique enfin renforce la mise en scène, et le choix presque optimiste de la chanson de générique de fin est superbe. Bien qu'il dure 4h, le film vaut d'être vu deux fois (sans doute trois). La première séquence en devient encore infiniment plus belle, cela permet de bien mieux saisir la réflexion existentialiste du cinéaste, et on saisit à l'avance la trajectoire de chaque personnage. Un film immense, pour les amateurs de Michelangelo Antonioni, de Bela Tarr, de Nuri Bilge Ceylan ou de Jia Zhangke. Un monument à voir sur grand écran.
    gimliamideselfes
    gimliamideselfes

    3 097 abonnés 3 969 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 8 janvier 2020
    An Elephant Sitting Still est un sacré morceau de cinéma, non seulement pour sa lenteur et sa durée, mais surtout parce qu'il met du temps avant de se révéler. Disons qu'au cours du film j'ai tout d'abord été intrigué, puis un brin lassé, avant de finalement ressentir la portée du film.

    Le film m'a semblé être un savant mélange du cinéma de Béla Tarr et d'un film comme Behemoth de Zhao Liang. Je veux dire qu'on retrouve formellement ces long travellings en plan séquence qui suivent des personnages, sauf que ces personnages déambulent dans une Chine qui va mal, dans une Chine où il ne semble y avoir aucun espoir, une Chine où les villes sales, grises, sont aussi fascinantes qu'elles sont absurdes.

    Et franchement avant la fin du film que je trouve très belle, c'était plus les décors, l'architecture de cette ville, qui je ne m'abuse n'est jamais nommée, qui m'ont fasciné. Car si on suit plus ou moins quatre personnages dans ce récit choral, mais il y en a surtout un cinquième : cette ville... brumeuse, sale, inhospitalière... tout y pue la misère, la pauvreté et le désespoir...

    Voir les personnages être enfermés dans cette ville tout en cherchant à tout prix le moyen d'en sortir est profondément désespérant... Même si une ville un peu plus loin, avec son éléphant qui reste assis toute la journée peut faire office de lueur d'espoir pour les personnages.

    Mais ce désespoir a malgré tout sa part de beauté, la musique qui survient lors de ces travellings et qui fait naître un profonde mélancolie chez le spectateur. Franchement, j'aurais pu regarder un film de 4h juste avec ça... c'est absolument parfait et d'une grande puissance émotionnelle.
    Le film est donc lancinant, désespéré, et je me demande comment ce genre de film peut sortir en Chine, pire comment il peut être produit étant donné le portrait très peu flatteur qui est dressé ici de l'Empire du Milieu.

    Néanmoins je suis content d'avoir vu ça, parce qu'il est beau ce film, il arrive à raconter le désespoir d'un peuple (ou du moins d'une partie d'un peuple) à travers une histoire finalement assez universelle, celle de la pauvreté, de la désindustrialisation et c'est là que le film puise aussi sa puissance. Il est certes ancré dans un contexte chinois, mais il arrive surtout à parler à tous...

    D'ailleurs le film est tellement sans espoir que rien ne survit, pas même un petit chien... Et c'est pour ça que je trouve la fin fabuleuse, dans un plan large, hors de la ville, on voit dans le dernier plan séquence du film, comment à partir de rien, le contact humain, qui s'était totalement perdu, peut renaître.

    Et ça c'est beau.
     Kurosawa
    Kurosawa

    591 abonnés 1 509 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 6 novembre 2019
    Impossible de ne pas penser à la mort de Hu Bo à la vision de "An elephant sitting still", film hanté par le suicide que commettra le cinéaste peu après la fin de la post-production. Tout le désespoir de Hu Bo est injecté dans ce film où le rejet du monde et l'impossibilité de s'appuyer sur les autres sont ressassés. Pourtant, le miracle qui s'accomplit est de ne pas atténuer la misanthropie ambiante et de ne pas pour autant tomber dans le misérabilisme. Hu Bo prend acte de la condition sociale de ses personnages, c'est-à-dire qu'il la décrit précisément sans s’apitoyer mais sans non plus faire preuve d'un excès d'empathie, il tient un regard objectif et attentif : les longs plans fixes deviennent ainsi un moyen de scruter les mots et la poursuite d'un plan-séquence qui devient mouvement une manière d'accompagner les fuites des personnages, leur reste d'espoir. C'est donc par la grande cohérence d'une mise en scène impressionnante – on a d'ailleurs de la peine à croire que c'est un première film tant la maîtrise formelle est évidente – et d'une écriture axée sur la force des situations que l'ensemble convainc. Moins intéressant quand l'errance est privilégiée dans une partie centrale quelque peu redondante, "An elephant sitting still" demeure conscient de ses forces et renoue dans le mouvement final avec des scènes de confrontations incongrues et captivantes qui débouchent sur un voyage étrange dont la finalité flirte avec l'absurde. On retiendra malheureusement ce film pour le destin tragique de son cinéaste mais aussi pour sa capacité à sublimer le malheur, à en saisir la force vive et à l'incarner dans une forme cinématographique juste, idéale.
    Fêtons le cinéma
    Fêtons le cinéma

    705 abonnés 3 059 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 10 septembre 2019
    An Elephant Sitting Still pose la question de la relation entre le geste artistique et le temps qu’il nécessite pour achever sa course, aussi langoureuse soit-elle. Combien d’heures, combien de minutes, combien de secondes seraient adéquates pour incarner le mal-être dans ce qu’il a de plus sombre et tortueux ? La réponse varie, évidemment, selon l’œuvre concernée ; mais une vérité paraît néanmoins surgir : il n’y a pas d’équivalence évidente entre le temps de l’art et le temps de la vie humaine. Forcément plus concise, l’œuvre oscille entre deux postures radicalement opposées : cristalliser l’instant par une focalisation limitée à de petites unités d’existence, ou alors embrasser une époque, un âge, un siècle, voire l’univers tout entier. Ces deux postures trouvent parfois l’équilibre idéal : Au-delà des Montagnes, par exemple, choisit un découpage générationnel et brosse un sublime portrait de femme déchirée sur les trois âges de sa vie. Hu Bo opte pour une immersion dans le quotidien et construit une intrigue qui, en quatre heures, se déroule sur un laps de temps court, comme reflet d’un présent qui échappe toujours aux protagonistes qui s’y agitent. Ce faisant, il se raccorde à une tradition cinématographique instaurée notamment par la Nouvelle-Vague et qui consiste à partager l’intimité d’hommes et de femmes captés dans leur routine. Et l’originalité de la routine, avec An Elephant Sitting Still, c’est de s’enraciner dans un monde défini comme terrain vague où agressivité et violence ont remplacé les rapports humains, où une philosophie pessimiste refuse à l’adolescent le droit à l’ambition et à l’espoir. Même le cadre scolaire renonce à son rôle pédagogique, n’ayant de cesse de répéter que les bâtiments ne vont pas tarder à être démolis. Dans ce champ de ruines s’activent des corps filmés de dos, rappelant au passage la démarche d’un Gus van Sant sur Elephant. Tiens, encore un pachyderme en guise de titre ! Hu Bo transforme cet enchaînement de personnages vus de dos en somme d’une seule et même personne, incarnation de l’adolescent chinois contraint d’errer sur cette terre qui l’a vu naître, pareil à un apatride. Pas un regard, d’ailleurs, ne rencontre de soutien fraternel : le cinéaste fait des dialogues des échanges manqués qui enferment davantage les locuteurs dans leur solitude fondamentale. Très instable, le long-métrage se joue des rôles-clichés qu’il met en place et désamorce l’attente du spectateur qui s’impatiente à l’idée de retrouver la scène que promet l’affiche du film, scène qui ne viendra pas. Œuvre hors normes dans son geste et pourtant assez normée dans sa conception du désespoir, An Elephant Sitting Still se traîne comme un vieil animal à l’agonie et qui n’attendrait que la mort. Une mort attendue comme le Messie et qui pourtant n’arrive pas. « En renonçant, tu finis par apprendre à vivre ici » : telle pourrait être la morne conclusion de ces presque quatre heures, il faut le dire, éprouvantes, pénibles et répétitives, mais dont le temps si long a su briser la distance traditionnellement tenue entre la fiction et le spectateur pour donner le crépuscule de l’humanité à vivre à ce dernier. Les dernières minutes s’affirment alors comme un sauvetage in extremis : c’est vers l’éléphant que marchent les personnages. Nous l’entendons d’ailleurs barrir avant le générique de fin. Faible, très faible lueur d’espérance. Ultime sursaut de vie – allégorisé par le jeu de balle – capable de rassembler les hommes au sein d’une famille de substitution, et qui resplendit dans la lumière avant de disparaître dans la nuit. Hu Bo mobilise le temps court pour créer une impression d’éternité, raccorde le vertige éprouvé par une poignée d’individus à ce fond commun de mal-vivre, de mal-être, de mal du siècle qui préoccupaient déjà, deux siècles auparavant, un poète comme Charles Baudelaire. Dans cette confusion des échelles jaillit une vision d’un pessimisme rare et d’une justesse crue, terrible reflet de nos sociétés contemporaines. Avancer, dos au mur.
    In Ciné Veritas
    In Ciné Veritas

    94 abonnés 922 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 15 avril 2019
    An elephant sitting still est le premier et sera à jamais l’unique long métrage réalisé par Hu Bo. Ce film présenté en première mondiale lors de la Berlinale 2018 y reçu le prix FIPRESCI. Le jeune cinéaste-romancier chinois met en images sa nouvelle éponyme. Le film qui en résulte est immense par sa durée proche des quatre heures et ses qualités cinématographiques. Cette œuvre orpheline et marquante se révèle ainsi prodigieuse notamment par sa densité, sa force exceptionnelle et sa profonde noirceur pourtant jamais pesante. Critique complète sur incineveritasblog.wordpress.com
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