An Elephant Sitting Still ( 大象席地而坐, Dà xiàng xídì'érzuò ) fait partie de ses films qui font quelques peu peur, de par sa durée, mais aussi dans la construction globale de son cadre, de son ambiance, de son atmosphère sombre. Pourtant, après l'avoir enfin vu, j'aime à dire qu'il y a un quelque chose d'unique dans le récit de cette tristesse, de ce coin de Chine qui rêve, à défaut de rire ...
D'emblée, comment ne pas être frappé par les visages que l'on découvre ? La même expression se traduit sur les contours, de ses derniers, qu'importes les traits, le poids des années. Il ne faut pas attendre longtemps pour que l'évocation des odeurs, de la difficile condition du quotidien pour comprendre que la journée va être chaotique. En même temps tout est dit explicitement par le père de l'un de ses personnages titres, on ne peut donc évoquer la surprise. La colère, la culpabilité, le sentiment d'abandon, seront en revanches des contenants dont il sera question avec permanence, dans un étirement en long et en large d'une subtilité incroyable.
Le décors est ici le cinquième personnage, les deux jeunes hommes, le plus ancien, la jeune femme dont l'on découvre le lien au travers de cette ville qui les unies laissent entrevoir sa pauvreté, son foutoir, son isolement. Les appartements, du hall à sa cour, tout comme son école et son hôpital ont aussi insalubre que ces rues jonchées d'objets, ou errent ces différents personnages qui à mesure lui renverront la monnaie de sa pièce au travers d'une fuite comme projet. Enfin, quand je dis tous, cela n'est pas totalement juste ...
Hu Bo, son réalisateur, dont il s'agira de son unique film, s'approche de manière millimétré et raconte des trajectoires dans cet entrelacs de tensions, désastres, confrontations, lassitudes, avec un regard attentionné, comme une métaphore aussi difficile que poétique. Le réalisme de sa contrition bouleverse davantage que ses quasi 4 heures sont à la fois superbes, du point de vue des images surtout, que presque insoutenable tant il n'y a qu'une toute petite once d'espoir ! Il suffit de compter les sourires, ils sont eux aussi aux abonnés absents, ou alors d'un cynisme ou seul la moquerie les invoquent. Je n'en oublie pas la résignation, une autre force motrice qui force les zygomatiques.
La mauvaise chute, dans sa lecture confondante et multiple pour tous est un autre de ses points sur lequel son metteur en scène reconstitue le défilée de cette journée qu'ils les amènent à vouloir rejoindre Manzhouli. Si la conduite de cette narration s'inscrit dans un rythme ou le temps compte, il ne perd de vue sa saccade et les brusquement en matière de tempo. La violence, en est très souvent le moteur. La bagarre du chien, celle des couloirs, les mots d'une fille à sa mère et son contraire mais avant cela également la première mort du long métrage, ce suicide auquel nous assistons de par les yeux de Yu Cheng, que nous embrassons dans sa course folle. Il y'a des cris dans le cœur de son interstice, ils sont aussi brutaux que ses silences, que de touts ses teintes et tons. J'aime prendre comme exemple cette phrase, qui à première vue n'a rien d'extraordinaire dans notre rouage : " - Ca n'a rien à voir avec toi ! ". Cette parole de Huang Ling à sa camarade choquée d'une scène qu'elle n'a pas vu, mais dont elle prend partie de par ses larmes situe un condensée de conscience vis à vis d'une projection qui dépasse la réalité, pour un jugement de circonstance, sans recherches, car prétendument évidentes.
L'organisation de cette journée déterminante, comme le carrefour ou les décisions s'axe et s'encre à l'indélébile confronte le flou, le vague, avec des certitudes là encore, plutôt proche de ses bas-fonds. Je permet une fois de plus de cité : " - Moins que rien ". Voilà, comment la considération est faite malgré une proximité familiale, car tout le monde est " détestable ". Je ne souhaite pas démontré une formule explicite, ou être particulièrement précis, dire quel personnage nous dicte de par ce biais ses points de vues, qu'importe que l'on soit d'accord ou non avec, c'est bien l'énoncée qui pour moi situe le paroxysme de sa définition. L'amertume, un autre exposé est manifesté, une de ses plus belles scènes au passage, celle qui m'a le plus touché. Un indice, il est question de tunnel, de faute renvoyé au visage, de sentiment de condamnation ou les yeux ouvert sont gage de souffrance, encore plus exsangue ! Un rejet pour radicalité.
La minuscule brèche intervient dans son final, là encore, assez long. Il faut, une fois de plus, passé par une mort, puis une autre pour entrevoir un échappatoire, sans faux semblants, avec une attente quasi aux rabais, encore contrasté par des changements de dernières minutes ... Sa relâche d'émotion est passé au préalable, dans l'heure qui précède, voir quelques minutes avant tout de même ! Un coup de batte, un cri en face de sa ville, une arme en dessous d'un menton après des mots souffreteux entre consécration et éloge pour une méthode qui s'imprègne de la monstruosité de la peur, motrice et grande vainqueur, qui règne, qui offre son quart d'heure de gloire à type franchement triste. Qu'il soit menteur, tricheur, pathétique n'accentue que le malaise, et la perte de toute chaleur ! Le sarcasme, sur l'héroïsme accueillie comme on le vois, achemine une perdition lourde en évocation.
An Elephant Sitting Still raconte la vacuité d'une existence, du terne, du gris, à la fois morose et romantique. Une douleur entamé dans une quête, ou l'on essaye simplement de survivre, si l'on ne peut complètement vivre. Le bruit de l'animal, change t'il quelque chose ? Sans doutes pas. La musique de son générique m'a en revanche sortit de toutes ses idées trop difficiles d'une matinée pluvieuse !
Un magnifique long métrage sur les difficultés à voir plus loin, qui s'arrête, en pleine course. Un peu dur, à revoir en étant un plus prêt ! J'en oubliais un ultime point, un grand bravo pour ces comédiens !