Votre avis sur Le Pays du silence et de l'obscurité ?

2 critiques spectateurs

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4,0
Publiée le 11 juin 2017
Herzog a le don pour trouver des gens comme ça, des gens totalement hors du monde. Ici, ces gens là ne s’apercevraient pas même pas qu'une guerre mondiale venait d'éclater. Il s'intéresse à des gens qui sont à la fois aveugles et sourds. Je pensais bien que ça existait mais je ne m'étais jamais posé la question de comment ces gens la vivent, comment ils communiquent... et quelle horreur... si le film a des scènes incroyablement belles, notamment au début, lorsque la femme part faire un tour en avion, elle ne voit rien, mais regarde par la fenêtre malgré tout, tape dans ses mains, est toute excitée, pendant qu'on lui raconte en écrivant dans sa main ce qu'elle est censée voire. C'est absolument déchirant.

Mais le pire est à venir, car si la personne à laquelle on s'intéresse en particulier dans le film parle, car elle a perdu l'audition que durant sa jeunesse, on voit des gens nés réellement sourd-aveugle... On voit comment on leur apprend à parler, c'est juste horrible, pauvres gens. Ils sont obligés de tâtonner pour réussir à sortir un son.

On voit surtout à quoi ressemble un gamin dont on ne s'est pas occupé, incapable de manger solide, de parler, il braille, il fait juste une sorte de bruit de pet avec sa bouche tout en se traînant par terre car il n'a pas appris à marcher. Lorsque la femme que l'on suit durant le film va le voir, elle se comporte avec lui comme on se comporterait avec un enfant de deux ans... voire avec un chien... La question de l'humanité se pose... biologiquement c'est un humain... mais socialement ?

Plus tard on voit un type abandonné, né sourd qui a perdu la vu et qui a désappris à parler et à écrire, qui ne reconnaît plus ses frères, qui vit avec des vaches. Comment peut-on en arriver là ?

Le film arrive à capter ça, avec une grande beauté... et ça en devient juste déchirant. Herzog a réussi, encore une fois, à filmer des gens qu'on ne voit pas, à filmer les absurdes bizarreries de l'humanité.
3,5
Publiée le 29 avril 2024
Pour un documentaire réalisé en 1971, je le trouve relativement moderne dans son approche ; cela dit, les documentaires de cette époque, je n'en connais pas tant que ça ! Werner Herzog intervient peu en voix off ; sa caméra est observatrice de ce pays du silence et de l’obscurité.
Difficile de faire la fine bouche, Werner Herzog nous présente Fini Straubinger, une femme sourde et aveugle suite à un accident survenu dans un escalier à l’âge de 9 ans. Cette femme va petit à petit perdre la vue et l’ouïe et rester près de trente ans allongée. Ce qui est terrible - de suite après cette chute - elle pense à la réaction de sa mère, elle préfère taire sa chute de peur d’être grondée et punie sans penser aux conséquences irréversibles qui vont l’amener à plonger dans le monde du silence et de l’obscurité.

Ce qui frappe d’entrée du doc, c’est le langage qui passe par les mains.
Avant même d’en savoir plus, on voit trois femmes assises sur un banc communiquer en se tapant du bout des doigts sur la main. C’est la communication digitale. Sur ces trois femmes, une traductrice qui fait le lien entre les deux autres plongées dans le silence et l’obscurité. Un langage que je ne connaissais pas. La vitesse avec laquelle ces sourds-muets pratiquent le langage digital est d’une dextérité ahurissante. J’ai l’impression que la main est une machine à écrire.
Plus tard, Fini Straubinger montrera à la caméra un gant sur lequel sont dessinés des signes, des flèches ; nomenclature de l’alphabet digital.
Je suis sidéré d’admiration de voir ces communicants échanger. Non seulement, ces hommes et femmes qui le pratiquent tapotent très vite sur la main de leur interlocuteur mais du côté interlocuteur, il faut assimiler tout aussi rapidement le message. Et c’est impressionnant de constater que les échanges sont d’une spontanéité sidérante.

Femme active remplie d’humanité qui visite ici et là ses semblables en difficulté comme ce garçon élevé par son père sans jamais avoir connu de contact avec l’extérieur.

Plus tard Werner Herzog tournera avec Klaus Kinski, un égocentrique colérique qui vociférera pour des riens. Toutes ses vitupérantes humeurs devaient bien paraître futiles pour Werner Herzog, lui qui avait fréquenté des hommes et des femmes plongés dans le pays du silence et de l’obscurité, lesquels ne se plaignaient pas de leur triste condition…
Poignant.
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