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    Utøya, 22 Juillet
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    Yves G.
    Yves G.

    1 489 abonnés 3 506 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 12 décembre 2018
    Le 22 juillet 2011, Anders Breivik, un fanatique d'extrême droite, commet un double attentat. Il fait d'abord exploser une bombe dans le centre d'Oslo, puis se rend sur l'île d'Utøya où se tient l'université d'été des jeunes socialistes. Lourdement armé, il assassine de sang froid les jeunes qu'il traque dans l'île minuscule. La tuerie dure soixante douze minutes jusqu'à l'intervention des forces de l'ordre.

    Peut-on filmer Utøya (ou le Bataclan ? ou Charlie Hebdo ? ou Nice ?) ? Certains se le demandent pointant du doigt le voyeurisme sinon le sensationnalisme dont les films prenant ces tueries pour sujet seraient inévitablement lestés. La réponse est moins éthique que cinématographique : tout est question de point de vue et de distance. Il n'y a aucune raison d'interdire au cinéma certains sujets a priori.

    Passons à la question suivante. Comment filmer Utøya (ou le Bataclan ? ou Charlie Hebdo ? ou Nice ?) ? Plusieurs points de vue sont concevables.Quand Oliver Stone filme le 11-septembre, il choisit de suivre une escouade de sapeurs pompiers dans les tours en feu. Martin Guigui dans 9/11 s'attache lui à cinq personnes bloquées dans un ascenseur du World Trade Center. Pour raconter une catastrophe aérienne, l'amerrissage sur la Hudson River du vol 1549, Clint Eastwood se concentre sur le capitaine de l'avion Chesley "Sully" Sullenberger.

    Pour la tuerie de Utøya plusieurs angles d'attaque étaient imaginables. On aurait pu se glisser dans le peau de Breivik, décrire son enfance, ses délires idéologiques, la préparation minutieuse de l'attentat, son exécution méthodique. On aurait pu au contraire éclater les perspectives : un film chorale filmant les mêmes scènes de plusieurs points de vue (celui de l'assassin, celui des jeunes pourchassés, celui d'un parent ou d'un ami au bout du téléphone portable, celui des vacanciers sur la rive inquiétés par les détonations venues de l'île toute proche, etc.

    On ne connaît pas celui de Paul Greengras qui vient de sortir sur Netflix (soupirs) Un 22 juillet. Le réalisateur américain semble se faire une spécialité de ces événements puisqu'il a déjà consacré deux films, aussi remarquables l'un que l'autre, le premier aux affrontements de 1972 à (London)Derry Bloody Sunday, le second aux attentats du 11 septembre, Vol 93.

    Le Norvégien Erik Poppe adopte un point de vue radical. Il tourne une seule scène, en temps réel, le temps exact de la tuerie. Le plan séquence est d'une virtuosité impressionnante et permet immédiatement à Utøya , 22 Juillet de prendre rang parmi des films aussi célèbres que La Soif du mal, La Corde, Les Fils de l'homme ou Snake Eyes.

    Mais ce plan-séquence n'est pas que de l'épate, de la poudre aux yeux. Il a un sens : nous faire ressentir, dans la durée et de l'intérieur, ce qu'ont éprouvé les jeunes. Au départ, pendant quelques minutes, on les voit discuter de l'attentat dont ils viennent d'apprendre la nouvelle dans le centre d'Oslo. Ils sont inquiets pour leurs proches restés en ville, mais n'ont aucune raison de s'inquiéter pour eux-mêmes. Puis des bruits se font entendre. Pétards ? détonations ? L'inquiétude se mue en terreur. Les jeunes courent dans tous les sens, cherchent un refuge, qui dans une tente, qui dans une souche d'arbre. La police, monopolisée par la gestion de l'attentat d'Oslo, est injoignable. Y a-t-il un tireur ? ou plusieurs ? Nous le savons ; mais les jeunes, eux, ne le savent pas.

    Le procédé est d'une redoutable efficacité. Ils nous prend à la gorge, nous interpelle : qu'aurais je fait ? où serais-je allé me cacher ? Aurais-je porté secours à mon voisin au risque de ma vie ? La caméra choisit de s'attacher aux pas de Aya, une jeune fille passionnée de politique, effondrée d'avoir perdu la trace de sa petite sœur dans la bousculade. Cette héroïsation ne va pas de soi. Un autre parti aurait été de passer d'un jeune à l'autre. Mais elle nous permet de mettre un - beau - visage sur les victimes d'Utøya.
    Cinéphiles 44
    Cinéphiles 44

    1 382 abonnés 4 198 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 3 décembre 2018
    Si on connait un peu la filmographie d’Erik Poppe, on peut encore s’attendre à découvrir une œuvre bouleversante et pleine de vérités. « Utoya, 22 juillet » retrace les attaques terroristes qui sont survenues en Norvège. Le 22 juillet 2011, Anders Behring Breivik, un terroriste d’extrême droite pose une bombe à Oslo. Il se rend ensuite sur l’île d’Utoya où est réunie plus d’une centaine de jeunes pour un camp d’été. Se faisant passer pour un policier, il tue 69 personnes et en blesse 33. Pendant 1h33 nous suivons le point de vue d’une adolescente qui ne comprend rien à ce qui se passe mais qui va devoir faire des choix quant au fait de se cacher, fuir, aider les autres et retrouver sa sœur. « Utoya, 22 juillet » ne raconte donc pas les faits, mais place son spectateur au cœur du drame pour lui faire vivre ce que les victimes pouvaient ressentir. Le long-métrage d’Erik Poppe est alors un haletant survival movie qui gagne en tension grâce à son fond de réalisme. Côté documentaire, nous resterons sur notre faim.
    D'autres critiques sur notre page Facebook : Cinéphiles 44 et notre site cinephiles44.com
    blacktide
    blacktide

    60 abonnés 795 critiques Suivre son activité

    3,5
    Publiée le 17 janvier 2019
    Come and See ?

    Il est des films qui se vivent le souffle coupé. Comme une immersion insoutenable dans une douloureuse actualité. Utoya, 22 juillet est une œuvre qui se passe de mots, tant elle se questionne par l’Image, et en un temps réel continu. Un absolu de Terreur, où la caméra épouse les tirs, les visages et les cris. Pourtant, de son plan-séquence à sa mécanique immersive, Erik Poppe se heurte aux mêmes problématiques soulevées par le « Travelling de Kapo ». Car la mise en scène est aussi affaire de morale, et celle d’Erik Poppe se risque à une position tranchante : filmer les attentats directement du point de vue de ses victimes, en les suivant corps contre terre. Manipulation émotionnelle ou controverse facile ? Son efficacité pourrait être sa principale limite : à trop vouloir faire dans le saisissant, Utoya forcerait l’émotion en nous élevant au statut de victime. Mais la démonstration n’a rien d’une réappropriation malsaine des événements. Elle est ce suivi de l’Horreur, ce cauchemar ininterrompu, et ce spectateur victime du procédé auquel il fait face.

    La puissance d’Utoya en est décuplée par sa réalité palpable, cette promiscuité entre fiction et réalité. Slasher du réel, le regard s’interroge : doit-on supporter la violence de fiction ou éprouver celle du réel ? La limite est fine, et la mécanique du plan séquence tend à intensifier cette théorisation du regard, et du statut de la caméra. L’ouverture expose d’ailleurs notre propre voyeurisme : « Vous ne comprendrez jamais » énonce l’incroyable Andrea Berntzen. Un simple regard-caméra, et un message de prévention, frontal et intense, d’incompréhension face aux événements à venir : briser la distance et nous inviter à suivre l'horreur de l'intérieur en quelque sorte. Comme pour nous renvoyer à cette violence que l’on a choisi de voir : « Tu es venu, maintenant regarde. » Puisque personne n’est protégé face à la montée du fascisme.

    Car comme dans Requiem pour un massacre, les Images ne nous épargnent pas : l’Horreur se déploie sur les visages, et le saisissant Sound-design agit comme une balle transperçant notre corps. Mais l’œuvre de Klimov avait pour elle métaphores et symbolisme ; Utoya, 22 juillet joue au contraire presque entièrement sur son minimalisme (sans musique encombrante ni artifices inconvenants), ne cherchant jamais à totalement intellectualiser son propos. C’est au spectateur de tirer ses propres conclusions, et d’y chercher la vérité, ou plutôt de l’éprouver, de la ressentir au plus profond de sa chair. Et de ces questionnements en temps réel, Utoya se transforme en un acte politique qui touche l'intime, le personnel et l’universel. L’alarme se tire, et le hors-champ se politise : l’ennemi est invisible, partout, omniprésent ; Breivik est cette silhouette sans forme précise, ce fascisme à combattre mais si difficile à identifier. Poppe joue d’ailleurs tout du long sur ces incertitudes : les doutes quant à la nature de l’ennemi contribuent à cette insoutenable tension, tout en secouant la subjectivité du point de vue endossé.

    Des tirs, des détonations assourdissantes, le spectateur court, s’épuise et interroge ses propres limites : impuissant, sa Peur s’écrit en majuscules, sans esquive. Du choc des premiers coups de feu, Utoya, 22 juillet en devient une course sans fin, jonchée de haltes où le temps s'arrête : interminable comme un supplice, et la douleur qu'il génère. Organique, corps à corps, de la roche à la terre, de l’eau à la boue, Poppe fait le choix de s’investir au plus près de ses personnages : la caméra fait corps avec l'élément naturaliste, comme une manière pour chaque protagoniste de devenir invisible, tels des caméléons, des statues mouvantes, cachées face à la menace. Car survivre c'est aussi disparaître.

    C’est en tentant de cerner un maximum de la psyché des victimes que Poppe échafaude des scènes déchirantes et palpitantes, prescrites comme des attractions émotionnelles, façon Liste de Schindler en ciré jaune : d’une tente de l’effroi à l’agonie d’une jeune fille, nos gorges se nouent ; des téléphones sonnent, sans réponse, et affichent « Maman », dans un silence mortifiant. L’issue elle-même, tout en renversements, semble n’afficher aucune issue, ou presque. Car Utoya ne choisit pas le désespoir. Dans quelques instants de « répits », et une discussion « secrète » contre la paroi des rochers, Poppe se nourrit de cette course infernale pour construire un avenir, de liberté et de jeunesse, face à la haine d’un monde confronté à sa propre violence. Un élan juvénile, une impossible tendresse, comme pour se rattacher à une dernière forme d'humanité quand tout vacille : parler de l'avenir, des choses à faire, d'une famille à bâtir, dans l'horreur et le chaos. Et peut-être croire encore à ces « vraies couleurs », à cette jeunesse sacrifiée, mais aussi survivante.

    Bien loin de l’œuvre froide de Greengrass, Utoya, 22 juillet refuse la distance et embrasse l’intime, quitte à provoquer tremblements et palpitations. Le silence emplit la salle : pétrifié, le spectateur n’est plus que l’ombre de lui-même. Écran noir, les bruits restent, l’eau s'écoule, et le temps redonne vie à sa Nature. Les larmes peuvent enfin couler. Impossible toutefois de se relever. Aucune ellipse, la monstruosité se filme en intégralité : 72 minutes dans l’Enfer et cette douloureuse réalité. L’étirement du procédé tend d’ailleurs à isoler ce débarquement qui tardera à arriver, et la débâcle d’un pays incapable de réagir à cette violence, d’actualité.

    Critique à découvrir également sur Le Blog du Cinéma : https://www.leblogducinema.com/critiques/critiques-films/utoya-22-juillet-critique-873610/
    Requiemovies
    Requiemovies

    209 abonnés 1 153 critiques Suivre son activité

    4,0
    Publiée le 15 septembre 2018
    Erik Poppe, réalisateur reconnu en Norvège, moins dans nos frontières, un film avec Juliette Binoche, L’Epreuve, s’attaque après quelques années au fait divers le plus meurtrier du 21ème siècle en Norvège, le massacre sur l’ïle d’Utoya le 22 juillet 2011 de 69 jeunes de la Ligue travailliste.
    Un même projet verra le jour courant octobre, réalisé par Paul Greengrass (Jason Bourne, Vol 93) avec un tout autre axe de réalisation. Ici, pas de compromis le choix de Poppe est de réalisé un (faux) long plan séquence, d’une qualité inouïe, afin de rendre immersif son récit tout en questionnant chacun sur son rôle de spectateur et de sa perception. Ici pas de voyeurisme, une immersion caméra épaule pour mettre en scène ce qu’a pu être ce cauchemar. Le résultat est évidemment éprouvant devant la radicalité de sa mise en scène, choc, expérience douloureuse par la simple utilisation d’un design sonore percutant. On ne voit quasiment rien, on reste constamment à proximité d’un groupe puis du personnage principal par la suite. Evitant les pièges de ce que le procédé insuffle, Erik Poppe film l’ensemble avec un réalisme saisissant ; ayant pris soin d’interviewer les rescapés de cette journée noire. Jouant avec le terrain d’une île dont il est impossible de s’extirper, l’expérience prend aux tripes sans pour autant éviter quelques longueurs ; les défauts de ses qualités en somme. Les moments d’attente, de planque, de caches, sont nécessaires mais ne s’inscrivent évidemment pas dans le cadre d’un rythme de récit usuel, ce qui était justement nécessaire.
    Aucun voyeurisme gratuit, on ne verra quasiment jamais d’hémoglobine ou de corps meurtris, et tout se jouera principalement sur le montage son. L’idée ici n’est pas d’être réaliste, l’héroïne et ce qu’elle vit est pure fiction, mais plutôt de s’inspirer des faits réels, comme précisé dans le film, ne voulant jamais jouer sur l’ambiguïté.
    L’idée de Koppe est de provoquer un choc radical tout en respectant la mémoire des victimes afin d’éveiller les consciences sur ce qui aurait pu être évité et la nuisance de l’extrême droite très vive en Europe notamment, ces dernières années. Leçon politique sur fond de moral affective et émotionnel Utoya, 22 juillet est une claque en soit, une expérience de cinéma comme rarement on en a vu (tout juste se rapproche-t-il d’Elephant de Gus Van Sant). On pourra reprocher une fin qu’on sentait venir, un peu facile pour marquer encore plus le coup, mais le tout est tellement immersif que le ressenti se dissout ailleurs.
    A la fin l’électrochoc est là, l’impact puissant, laisse le spectateur cloué dans son fauteuil, en train de réfléchir à la portée réflective de cette petite heure trente écoulée devant lui. Eprouvant mais respectueux des personnes ayant vécues le drame, tout en dénonçant avec force et intelligence les idéologies à contrecourant de toutes portées humanistes. Une expérience en salle, cinématographique et interrogative sur de multiples points. requiemovies.over-blog.com
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