À un goûter d'anniversaire d'un camarade de son fils, Lizzie aperçoit Lola, une petite fille qui ressemble à la sienne décédée dans une tragédie il y a maintenant sept ans. Persuadée qu'il s'agit bel et bien de son enfant, elle tente de nouer des liens avec ses parents pour se rapprocher d'elle. Le début d'une dangereuse obsession qui va la plonger dans une spirale de mensonges...
Avec ce vulgaire pitch de "stalking maternel", "Angel of Mine" a un pouvoir d'attractivité à peu près égal à celui d'un énième téléfilm faisant le bonheur des après-midi des ménagères et où l'on s'attend à un titre d'une originalité dingue comme "L'Obsession de Lizzie" ou "La Folie d'une Mère". Mais, à y bien regarder, "Angel of Mine" est en réalité le remake australien/US du film français "L'Empreinte d'un Ange" réalisé par Safy Nebbou en 2008 et avec Catherine Frot et Sandrine Bonnaire dans les rôles principaux, ce qui est déjà en soi la promesse d'un traitement bien plus subtil d'un sujet susceptible de tomber facilement dans le sensationnalisme. Évidemment, le film de Kim Farrant a une progression typique de thriller domestique avec sa montée en puissance dans le harcèlement effectué par son héroïne sur la famille -et surtout la fillette- au cœur de sa fixation mais, sans doute dans le sillon de l'oeuvre originale, la réalisatrice choisit de l'aborder en privilégiant le portrait d'une héroïne s'étant perdue entre les étapes d'un deuil qu'elle n'a pas su surmonter. Lizzie n'est effectivement jamais parvenue à finir le processus qui lui aurait permis de sortir de ce drame pour avancer. À part ses parents, tout son entourage s'est mis à la fuir devant le poids du malheur qu'elle se refuse volontairement à abandonner : son ex-mari est parti reconstruire sa vie de son côté, son jeune fils ne supporte plus de voir sa mère prisonnière de l'ombre de sa défunte soeur... Même quand Lizzie a l'opportunité d'une nouvelle rencontre amoureuse, elle la sabote comme pour mieux se complaire dans ses ténèbres et se punir d'une responsabilité qui ne devrait plus être la sienne. Et, lorsque la petite Lola devient à ses yeux l'incarnation de la solution à tous ces maux, autant dire que Lizzie va complètement sombrer dans un engrenage de situations véhiculant toujours plus de malaises. C'est quelque part en ça que "Angel of Mine" diffère de bon nombre de produits de bas de gamme exploitant un sujet similaire : après nous avoir faire comprendre l'immensité de la tristesse de son héroïne, le film va jouer sur notre attachement pour elle en cherchant sans cesse à créer un sentiment de gêne devant ses agissements de plus en plus irrationnels. Cela va d'ailleurs plutôt bien fonctionner dans le déroulement du récit, les petits mensonges des débuts vont laisser place à des comportements bien plus troublants et emmener toujours plus loin Lizzie vers une folie malsaine. Il n'y a qu'à voir son visage s'illuminer au contact de la petite Lola, elle est désormais devenue son unique but, sa fille est revenue d'entre les morts et c'est un fait inaltérable à ses yeux, le peu de personnages à son contact au début du film ne vont faire que disparaître au profit de son obsession. En ce qui concerne la famille sur laquelle elle a jeté son dévolu, inutile de préciser qu'elle aussi va être contaminée de plein fouet par les tourments de Lizzie, à commencer par la mère de Lola touchée par une paranoïa grandissante devant cette intruse cherchant à s'immiscer dans l'intimité de sa relation avec sa fille.
Quand, dans la dernière partie, il deviendra clair que "Angel of Mine" n'aura pas à offrir un large champ de possibilités (et donc de vraies surprises) vis-à-vis de sa conclusion, le film s'en sortira pourtant encore une fois avec les honneurs, poursuivant avec logique et pertinence son propos sur un instinct maternel inarrêtable et dont le caractère brut, presque animal, de préservation peut engendrer les pires extrémités...
Enfin (et elle mérite bien un petit paragraphe à elle toute seule), comment ne pas souligner la qualité de la performance de Noomi Rapace ? Ces derniers temps, on était un peu désolé de voir l'actrice décliner à l'infini un rôle d'héroïne badass dans des petites séries B d'action qui ne la méritaient clairement pas, "Angel of Mine" l'a remet heureusement sur de bien meilleurs rails grâce un personnage dont la sensibilité à fleur de peau lui permet de faire à nouveau des merveilles dans toute l'ambivalence de la palette émotionnelle qu'il implique. Si le regard de Kim Farrant sur la manière d'aborder son sujet est une de des plus grandes forces du film, la deuxième qui le soutient comme une plus-value essentielle à son exécution est incontestablement l'interprétation de Noomi Rapace. "Angel of Mine" n'aurait pas la même saveur sans elle, tout comme le reste d'un casting qui s'inscrit dans la bonne tenue de l'ensemble : par opposition, Yvonne Strahovski incarne avec justesse une mère parfaite dont la lumière s'éteint peu à peu face à cette présence invasive et les seconds rôles masculins, logiquement en retrait, comme Luke Evans et Richard Roxburgh ont chacun le temps de briller dans le tourbillon des événements créé par leurs femmes.
On a bien sûr sciemment éviter de comparer "Angel of Mine" avec son modèle français "L'Empreinte d'un Ange" faute de l'avoir visionné en amont mais, en l'état, grâce à son angle d'approche pertinent et une Noomi Rapace des grands jours, le film de Kim Farrant s'avère plutôt bien mené afin d'explorer le potentiel d'un sujet dont, avouons-le, on n'attendait pas grand chose. Ce n'est peut-être pas suffisant pour rester vraiment mémorable mais c'est déjà assez pour être bien plus recommandable qu'une masse conséquente de téléfilms sans intérêt prenant leurs sources sur ces mêmes thématiques...