Depuis 3 mois, l'immersion parmi les amérindiens est devenue très tendance au cinéma : en février, sortie de "The Ride", documentaire de la française Stéphanie Gillard ; en mars, sortie de "The Rider", docufiction de la chinoise Chloé Zhao ; et, là, fin avril, sortie de "Land", docufiction de l'iranien Babak Jalali. Ironie de cette importante présence : sans doute avez vous remarqué qu'aucun de ces 3 films n'a été réalisé par un ou une cinéaste US ! ". Inspiré par la réserve de Pine Ridge, dans le Dakota du sud, celle là même où Chloé Zhao a tourné "Ces chansons que les frères m'ont apprises" et "The rider", censé se passer dans une réserve indienne du Nouveau-Mexique, "Land" a été tourné en Californie mexicaine. Le film raconte l'histoire d'une famille, une mère et ses 3 fils, de ses rapports avec certains blancs du coin et avec l'état américain. Concernant ce dernier point, les rapports qu'on voit dans le film sont dus à la mort de Floyd, le plus jeune des 3 frères, qui meurt alors qu'il combattait en Afghanistan. Alors que l'état américain chipote quant à la somme d'argent devant revenir à la famille de la victime (environ 12 000 dollars si le décès a lieu hors zone de combat, 100 000 si c'est en zone de combat), la famille refuse le protocole habituel en matière de funéraille : Floyd sera enterré dans la réserve, en la seule présence des siens. Cela nous vaut la plus belle scène du film, la plus forte aussi, lorsque le cercueil avec le corps est restitué à la famille à la frontière avec la réserve indienne. Quant aux rapports avec les blancs du coin, ils sont loin d'être toujours cordiaux, les problèmes liés à l'alcoolisme de certains indiens, souvent facilité par les blancs, n'étant pas là pour arranger les choses.
Pour la photographie, le réalisateur a fait appel à une française, la grande directrice de la photographie Agnès Godard. 99% des plans sont des plans fixes, une façon de montrer le caractère statique de la vie des protagonistes. Par ailleurs, on peut rapprocher l'atmosphère de "Land", avec une certaine lenteur introduite au montage, à celle qui règne dans certains films de Kelly Reichardt, "La dernière piste" et "Certaines femmes" par exemple. Peut-être pas un hasard si Rod Rondeaux qui jouait le rôle de l'indien dans "La dernière piste" tient le rôle principal dans "Land". Tous les rôles d'amérindiens sont joués par des amérindiens le plus souvent non professionnels venus d'un peu partout, y compris du Canada. Quant à la musique, on entend surtout, à chaque fois presque en entier, "Cold, Cold World", "Our Little Town" et "If I Could Only Fly", 3 chansons du texan Blaze Foley, un des chanteurs préférés du réalisateur. Remercions le de contribuer ainsi à faire connaître un songwriter et chanteur vraiment pas assez (re)connu. Au point, d'ailleurs, que le critique de cinéma du Monde a attribué à Townes Van Zandt, par ailleurs grand ami de Blaze, la composition et l'interprétation de ces 3 chansons !