On reconnaîtrait un film des frères Coen entre milles. Mais oui, souvenez vous : ce subtil et tarabiscoté mélange d’humour décalé, de froideur amer, d’humanisme et de chauvinisme, le tout estampillée d’une mise en scène bien léchée, d’une photographie travaillée, de dialogues et de personnages horripilants. Tout ça peut laisser personne indifférent, même le plus exécrable des cinéphiles. Le cinévore glouton que je suis n’a pas pu résister à ce met savoureux, datant tout de même de 1990 (les débuts des frères Coen, et oui !). Le film n’a pas pris une ride et reste le brillant hommage aux films de gangsters qu’il l’était il y a 20 ans de cela. A mi chemin entre les incorruptibles et le Parrain se situe Miller’s Crossing, assez classique pour ne pas choquer mais toutefois assez singulier pour ne pas décevoir de la part des frères Coen. Car rassurez vous, c’est du Coen pur jus que l’on retrouve ici. Le scénario est sobre, bien foutu et un déjanté juste comme il faut, et procure aux personnages une réelle marge de manœuvre aux personnages. Des personnages encore une fois excellents, au caractère différent mais ayant tous quelque part un petit grain de folie. L’ambiance du film est vraiment bonne (La fameuse époque de la Prohibition aux USA – l’âge d’or du banditisme et des gangsters et du règne des mafias et gangs en tout genre-). La reconstitution histoire est crédible : environnements, vêtements comme décors intérieurs sont fidèlement restitués. Les péripéties sont assez nombreuses pour que l’intrigue ne fasse pas du surplace. La dissonance cognitive du anti-héros du film (Gabriel Byrne) est remarquable ; ses tensions, alliances et trahisons envers deux camps mafieux opposés est réellement passionnante et l’on se prend au jeu de haïr puis de s’apitoyer sur ce pauvre personnage, finalement bien pommé. Techniquement parlant, c’est vraiment bon aussi, autant du côté de la caméra, fluide et osée, que de la photographie, très belle avec son côté vintage, et du montage. Les scènes musclées sont rares mais certaines scènes et dialogues sont si bons qu’ils compensent largement le reste. Pas de coup de mou à signaler d’ailleurs. Enfin, j’applaudirais sans retenu la performance des acteurs, tous forts brillants : le ténébreux et salaud Gabriel Byrne, l’originale Marcia Gay Harden, le très bon John Turturro mais encore Jon Polito, chef mafieux nerveux jubilant. Et j’en passe. Bref, ce film, certes dramatique et sombre, mais aussi truffé d’humour, est étonnant à plus d’un point. Une très bonne pioche, honteusement méconnue, de l’œuvre des deux frangins les plus talentueux d’Amérique.