Il faut d'abord apprécier le travail des frères Coen en général, pour apprécier "Miller's crossing", par logique. Personnellement, je déteste cet humour noir alourdit par des symboliques laides, et ces ambiances dépressives qui remettent en cause l'être humain. Pourtant, il faut avouer que "Miller's crossing" est un beau film. A l'exception d'une symbolique toujours aussi peu claire (que représente le chapeau filmé en gros plan pendant plusieurs morceaux du film?) et d'un final surprenant au mauvais sens du terme (quel profit tire le personnage principal en refusant l'offre de Leo à la fin?), il y a une technique belle et épurée dans ce film ironique, subtilement cette fois, et surtout très drôle. Drôle, parfois effrayant car ménagant un suspens redoutable, esthétiquement très accompli et cohérent, et admirablement bien interprété par l'immense Gabriel Byrne. Albert Finney, lui, ne convainc qu'à moitié. Le reste du casting est irréprochable, avec une mention à Marcia Gay Harden et John Turturro. Mais pourtant, la musique originale n'est pas trop inspirée et est trop répétée, alourdissant un peu le grandiose du film. Dommage que l'émotion ne puisse y filtrer, même si le but était ailleurs, par exemple dans l'écriture de dialogues mordants et intelligents, ou dans la puissance de la satire du grand banditisme américain. Le rythme injecté y est proprement génial, dosant à merveille les scènes intimes et les fusillades homériques, les plans larges et les plans de visages, les travellings arrière/avant. Le grand jeu des contrastes photographiques sont eux aussi d'une nuance qui révèle un visuel complètement abouti. Donc on aime, ou pas, le travail psychologique des personnages écrits par les frères Coen, mais force est de reconnaître qu'ici, comme dans "The barber" et "The big lebowski", leurs seuls bons films, une bonne partie de la technique frise l'irréprochable. A voir.