Son film en anglais au casting hollywoodien sorti l’an dernier (Ma Vie avec John F. Donovan), film très décevant, n’a cependant pas épuisé les ressources créatives de Xavier Dolan. Preuve en est le film qui sort aujourd’hui sur les écrans : on y retrouve toute l’inventivité formelle et toute la pertinence du propos qui caractérisent les meilleurs de ses films, à l’exemple de Mommy (2014) ou encore de Juste la fin du monde (2016).
La grande nouveauté, par rapport à ces deux films, c’est le ton, beaucoup plus léger, voire franchement humoristique dans bon nombre de scènes, adopté par le réalisateur. Un ton qui lui va bien et qui s’accorde à merveille avec la kyrielle de personnages intervenant au cours du récit. Ce qui n’empêche pas l’irruption de deux ou trois scènes plus dures, qui ne sont pas sans rappeler Mommy.
L’argument de Matthias § Maxime est, en vérité, assez mince. Les deux garçons en question, Matthias (Gabriel d’Almeida Freitas) et Maxime (interprété par Xavier Dolan lui-même), acceptent de jouer une scène dans un film amateur, lors d’une soirée entre copains, sans se douter de ce que cela implique. Lorsqu’ils apprennent qu’ils doivent jouer les rôles de deux amis qui « se galochent », autrement dit qui s’embrassent, pas question de reculer. Ce qui, chez d’autres, ne serait peut-être que quelque chose d’anodin sème le trouble chez l’un comme chez l’autre.
Dès lors, et jusqu’à la fin du film, Xavier Dolan entreprend d’explorer, par petites touches, les répercussions de ladite scène. Rien n’est banal, même pas ce que l’on fait quand on joue un rôle, quand on est censé se glisser dans la peau de quelqu’un d’autre, que ce soit au cinéma ou au théâtre. Le baiser échangé par les deux garçons n’est pas sans conséquences, et c’est d’autant plus difficile à assumer que Maxime s’apprête à quitter le Québec pour l’Australie où il doit séjourner pendant deux ans. Il règle ses affaires, se souciant en particulier de sa mère qui est sous tutelle (ce qui donne lieu aux deux scènes les plus dures du film), avant le grand départ. Et, bien sûr, il se doit de fêter son au revoir avec ses copains et, par conséquent, avec Matthias. Or l’un comme l’autre ne sont plus les mêmes depuis qu’ils se sont embrassés.
Comme il l’a si bien prouvé dans plus d’un de ses films, Xavier Dolan fait à nouveau preuve d’une imagination sans limites pour la mise en forme de cette comédie romantique, parvenant à mettre ensemble, avec beaucoup d’habileté, les émotions et la drôlerie. Les répliques fusent, la plupart des personnages sont hauts en couleur, on se régale de les voir évoluer et de les entendre échanger des propos incisifs. Le réalisateur ose tout, des ellipses, des scènes en accéléré, d’autres au ralenti, pour notre plus grand bonheur de spectateurs. Décidément, quand Xavier Dolan est en forme, il ne laisse place à aucune banalité. Son film est un régal !