C’est après une brève rencontre, mais agréable, sur la croisette que Todd Haynes nous a présenté son « Musée des Merveilles ». Et à la suite d’une petite mise au point du côté des industries DuPont (Dark Waters), il nous revient avec une somme d’hommages, réservés au fameux groupe « The Velvet Underground ». Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il tutoie la scène rock, notamment en appréhendant la scission de l’âme de Bob Dylan dans « I’m not there » et en mixant dans l’antre même de David Bowie avec « Velvet Goldmine ». Le réalisateur est tombé en amour pour ce style de musique, mais surtout pour la culture de ces artistes en colère, dont les pulsions autodestructrices auront toutefois contribué à éveiller les sens pour les générations à venir.
Quand bien même de nombreux auteurs-compositeurs explorait de plus en plus loin la noirceur de leur désir, il y aura une couche de filtre en moins du côté de chez Lou Reed, Sterling Morrison, John Cale et Moe Tucker. Mais le message du documentaire ne passe pas essentiellement par les paroles, mais par l’expérience qu’elle soit psychédélique, mentale spirituelle et éthique. Ce dernier point justifie la présence de Haynes et son choix de montage, sans voix-off, seulement au gré des images d’archives et de collages précis. L’intention serait de sublimer l’héritage de chansons qui auront mis du temps avant d’être reconnu pour leur saveur révolutionnaire. La Factory d’Andy Warhol y est pour quelque chose et cela souligne le début des conflits entre membres et entre les différents corps de métier, supervisant la portée poétique du groupe.
Le format nous ramène donc à cette lente ascension, dans l’agonie, l’anxiété et la pertinence d’un désaccord dans le son et l’esprit. Le portrait de « The Velvet Underground » n’est pas une affaire de détour, d’où la narration linéaire, afin d’accentuer la fatalité qui hante encore l’industrie pop d’aujourd’hui. Mais il fallait y être, dans cette époque où le discernement du mouvement punk rock, voire de la pop elle-même (en pensant aux Beatles), inspirait puis implosait sur la scène du chaos. Et de ce désordre, qui voudrait tout dire et protester contre tout, il en résulte un audacieux cri de guerre, de héros bousculés, séparés et universels. Que l’on connaisse ce groupe de près ou de loin, c'est d’abord par leurs valeurs qu’ils ont et continueront d’alimenter la plus petite flamme créative, noyée au milieu d’un océan de conventions obsolètes.