"Tiens, c'est drôle, j'ai vu un film exactement pareil, récemment...". On a bien cru voir double, comme l'on se rappelait parfaitement d'Acusada (film argentin de Gonzalo Tobal) sorti en France à peine huit mois plus tôt, dont La Fille au bracelet est l'adaptation française. Il n'était pas forcément malin de sortir les deux films quasiment en même temps, car en faisant partie des rares spectateurs (18 000 au cinéma, un peu plus en ajoutant la VOD de Canal+) qui avaient succombé une fois à l'enquête, on n'a plus aucun suspens, on connaît déjà la fin (la dure vie de l'agent de cinéma qui voit absolument tout ce qui sort...). Mais, si vous faites plutôt partie des 99% des spectateurs qui ont dit "Acusada ? C'est quoi ?", alors La Fille au bracelet vous attend et vous régalera d'une bonne intrigue pleine de suspens et rebondissements (
la découverte du couteau, les traces ADN qui n'avaient pas le motif de justification attendu
... Le scénario aime relancer l'intérêt que l'on porte à l'enquête), avec une jeune actrice Mélissa Guers qui se défend très bien aux côtés d'un Roschdy Zem plus en retrait mais toujours au diapason avec les autres acteurs lorsqu'il s'agit de créer une scène tendue, criante de sincérité. Toute la difficulté est ici non pas de nous convaincre de l'innocence de la jeune fille (
malheureusement, avec toutes les charges qui pèsent contre elle et l'impossibilité de trouver un scénario de meurtre plus plausible que celui de sa culpabilité pure et simple - on a cherché, en vain -, on est persuadé qu'elle est coupable même inconsciemment
) mais plutôt de nous dépeindre un personnage froid et insensible pour lequel on va peu à peu éprouver de la pitié, de la compassion, sans jamais comprendre d'où cela peut bien provenir. Toute l'intelligence de la narration est de nous faire partager le quotidien reclus de la jeune fille, la souffrance et la fatigue de ses parents, l'innocence volée à la jeunesse de son petit frère, la lourdeur d'un système judiciaire qui n'en finit plus de simagrées (chacun déblatère, on décachète des preuves, on revient sur les propos tenus deux ans avant, on décrit la preuve X684-truc puis on la balade de juré en juré... Un vrai spectacle) mais aussi la véhémence des avocats (l'avocat général est un molosse qu'on ne tient plus). Même en la pensant coupable, même devant l'horreur du meurtre, même devant le côté "j'en-fiche" de l'accusée, on finit par avoir envie qu'elle s'en tire, juste pour arrêter le calvaire des parents, pour ne pas prolonger un procès qui de toute façon n'est pas en mesure de fournir de preuve accablante (pas d'arme, pas de témoin... Comme des atouts dans une main de cartes : si vous ne les avez pas, vous aurez du mal à gagner), et toute la finesse du propos est là. On se fait juge de l'affaire (on cherche à savoir si elle a fait le coup) mais aussi juge de tout ce qui dépend de ce procès, et nos verdicts se mettent alors en contradiction, La Fille au bracelet nous pousse peu à peu au vice de procédure, et nous laisse sortir du tribunal (le cinéma) sans savoir si l'on a pris la bonne décision, si l'on doit se réjouir ou non du verdict...