Vu à la tv, ce film puissant, que j’avais raté à sa sortie. Cette gamine a t’elle tué son amie, après une soirée festive, où elle sont toutes deux restées dans le même lit ? L’intrigue est bien ficelée, mais la question en fait est ailleurs.
Cette cour d’assises nous invite à prendre notre place parmi les jurés. Non pour dire si Lise Bataille est vraiment coupable, question impossible à répondre de façon formelle, en absence de preuves évidentes, mais bien pour alerter. Au cas où nous voudrions ne pas voir la vraie scène de crime ! Non celle de cet appartement qu’on nous désigne, mais celle d’une société malade, irresponsable, invitant des jeunes gens à s’égarer.
Quel est l’instrument du crime ? Est ce ce couteau rouge qui manque dans la cuisine, ou le smartphone, nouvelle arme létale par destination ? Personne ne répondra pour vous, mais la mise en scène fera habilement que vous vous poserez la question. .
La salle de tribunal est en fait une salle de médecine légiste où le public médusé, autant que les spectateurs prennent conscience de l’univers propre d’une tribu d’adolescents. 20 ans après l’an 2000, et la vulgarisation des images se diffusant en masse immédiatement sur les réseaux, les effets délétères se manifestent chaque jour dans les médias. Stigmatisation, harcèlement. Ces ados sont ils vraiment différents des autres ? …
.C’est une question qu’on s’est toujours posé, d’une époque à l’autre. N’avons nous pas nous mêmes fait des transgressions, et frôlé le pire, à cet âge tendre, où tout semble permis, ou l’interdit et le défit sont attirants Mais jamais me semble t’il , on a fourni autant d’armes aux jeunes pour se détruire.
Le principe de liberté ne vaut rien sans responsabilité!
Faut il stigmatiser pour autant les parents. Eux mêmes sont dépassées, et hors course par les propositions du net qui leur échappe , n’ayant plus accès à un univers fermé, qu’ils ne soupçonnent pas ? Ce ne sont que des spectateurs effarés de la dernière formule de la société du spectacle, devenu pornographique.
Dans les années 60, on évoquait le fameux conflit des générations. Il était question déjà de libération des mœurs. « Ne jugez pas Lise en rapport avec des critères moraux, vos valeurs en terme de sexualité, qui peuvent avoir été mis à l’épreuve » Demande à la fin du film l’avocate de Lise, en des termes à peu près similaires « Jugez là sur les preuves. Et à ce niveau, le dossier est vide ! » C’est une défense classique. La situation l’est moins.
….Le public du tribunal a en effet visionné quelques scènes prises sur les réseaux, en lien avec les téléphones portables. Le scandale des sextapes et du thème du « revenge porn » ces anglicismes pour nous dire que le mal est universel, nous met ici en sidération. Nous ne sommes pas dans un milieu interlope, mal famé, mais dans un cercle d’adolescents plutôt préservés, loin de l’ambiance plus ou moins fantasmée des cités, où il est bien plus facile pour notre système de défense de nous protéger.
Ces jeunes sont ceux qui auraient pu être les acteurs de « La gifle » il y a plus de 40 ans de ça. Mais il n’est plus d’usage de mettre une claque à sa fille, comme Lino Ventura le jouait avec Isabelle Adjani dans « La Gifle ! » Nous sommes à des années lumière de l’ambiance de ces films, qui fit la gloire aussi de Sophie Marceau dans « La boum »...Les parents sont glacés d’effroi devant ce que la vie de leur fille, présentée à la découpe, en pleine cour d’assises, leur révèle. C’est tout ce rapport au réel, à l’intime, et à la communication qui semble défaillant, quand tout est en représentation morbide sur les réseaux, pouvant peut être finalement réveiller des pulsions meurtrières.
Il aurait peut être valu que l’avocate précise dans sa défense finale, la responsabilité des réseaux, et des outils de diffusion. Mais elle n’est pas là pour faire de la sociologie, mais pour défendre une jeune fille, dont rien ne montre la responsabilité évidente dans le meurtre de son amie. L’inculpée est bien malhabile pour donner une image positive d’elle même. Elle semble clivée du réel, dans un monde où chacun semble jouer sa partition solitaire, sans affects, même au niveau des liens charnels, joués comme un jeu transgressif, désincarné.
Les signes qu’elle envoie dans sa cage vitrée, dépassée par les enjeux et la théâtralité des lieux, où elle m’apparaît plus comme une victime qu’une coupable potentielle, ne sont pas du mépris, mais un mal être, bien peu compris par l'assistance, dans cette absence au monde, et ce refus de façade de préciser les choses.
On pourrait parler au fond d’un remake de l’étranger de Camus, qui avait été mis en scène par Visconti. . Tant on a peur que cette jeune fille ne soit jugé que sur cette apparente indifférence aux situations, ne répondant à peine, ou à coté. Au delà de l’histoire, c’est la représentation de ce qu’un prévenu risque au tribunal, s’il est jugé sur des critères non objectifs.
Au total un très bon film, très bien joué, filmé et réalisé. Faisant réfléchir!.
Depuis, il y a eut la crise covid, autre époque d’irréalité qui a noirci un peu plus le tableau, avec l’isolement, et l’extension des réseaux, tel « Tik tok, agissant en toiles araignées, et leurs influenceurs.