Les 30 premières minutes nécessitent une période d’adaptation car il s’agit d’images d’archives, carrées, en noir et blanc, muettes, sur lesquelles on entend les souvenirs de jeunes soldats anglais ayant survécu à la guerre de 14-18, d’autant que les images n'illustrent pas toujours les commentaires. Ensuite, elles sont colorisées, sonorisées et prennent un format rectangulaire. L’intérêt croît, d’autant que l’on entre dans le vif du sujet avec la période des combats et des tranchées : les engagés (dont certains avaient moins de 18 ans), après une période d’entrainement sportif et militaire de 6 semaines en Angleterre et la traversée de la Manche, arrivent en France ou en Belgique. Le sujet n’est pas neuf, tant en matière de documentaires ([cf. série « Apocalypse, la 1ère guerre mondiale » de 5 films (2013-2014) de Daniel Costelle et Isabelle Clarke] que de films de fiction [« Les croix de bois » (1931) de Raymond Bernard, « La grande illusion » (1937) de Jean Renoir, « Les sentiers de la gloire » (1958) de Stanley Kubrick ou « Johnny s’en va-t-en guerre » (1971) de Dalton Trumbo] mais Peter Jackson a pris le parti de raconter cette guerre à travers les récits des survivants, complémentaires des travaux des historiens : orgueil et arrogance patriotique des engagés (dont certains se vieillissent de 1 an ou 2 pour atteindre l’âge minimal de 18 ans), l’obéissance aveugle aux ordres, l’attachement à boire du thé (fait, notamment, avec l’eau de refroidissement des mitraillettes), l’absence de sanitaires (défécations collectives en extérieur et sans papier hygiénique), l’infestation par les poux, l’odeur des cadavres (d’hommes et de chevaux), les pieds gelés atteints de gangrène, la présence de prostituées avec distribution de cigarettes et de bières, le respect des prisonniers allemands et vers la fin, la lassitude, tous les soldats désirant la fin de la guerre, quel que soit le vainqueur (d’où l’apparente normalité de la journée du 11 novembre, jour de l’armistice). On revient ensuite au format des images du début avec le retour des soldats en Angleterre via Boulogne : ils sont confrontés à un chômage de masse et se sentent incompris par les civils restés au pays. Certes, certains sujets ne sont pas abordés (mutineries, aveuglement des généraux, etc.), Jackson se contentant de rappeler la mort de 1 million de britanniques et dédiant le film à son grand-père, William Jackson et à 2 officiers néozélandais. A voir comme une vision de l’intérieur de la guerre, par ceux qui l’ont faite, sans lyrisme, sans pathos et ni antimilitarisme.