Il s’agit de la biographie (traitée de façon chronologique, contrairement à d’autres « biopics » où les flash-backs intempestifs rendent confus le récit) de Joseph-Ferdinand Cheval (Jacques GAMBLIN, 61 ans), facteur à Hauterives (26), après avoir été apprenti-boulanger. Le film débute en 1873, alors qu’il est âgé de 37 ans.
Son épouse Rosalie décède et son fils, Cyril, est confié à une tante habitant Lyon. Lors d’une tournée, il fait la connaissance de la veuve Philomène Richaud (Laetitia CASTA, 40 ans). Ils se marient et ont une fille, Alice. C’est pour elle que CHEVAL construit son palais, à 43 ans, après une chute, lors d’une tournée, ayant buté sur une pierre aux formes excentriques. Il va mettre 33 ans pour le réaliser, après sa tournée quotidienne de 22 km (pendant laquelle il ramasse des galets) et même de nuit
. Il y a un vrai travail scénaristique (Fanny DESMARES et Nils Tavernier), sans superflu, allant à l’essentiel [
vu la longévité de Cheval, mort à 88 ans, avec quelques repères historiques comme l’affaire Dreyfus (1894), le décès du président Félix Faure en compagnie de sa maitresse (1899) ou le début de la 1ère guerre mondiale (1914)
], avec un sens de l’ellipse (
Philomène en robe de mariée dans la maison de Joseph
) et d’une grande cohérence, vu que le facteur est du genre taiseux, tendance syndrome d’Asperger. Outre la mise en valeur de son talent (dans la lignée des artistes « Naïfs », mais ayant une connaissance de l’architecture exotique comme celle des temples laotiens d’Angkor Vat, des pyramides mayas et des moaï pascuans), c’est aussi un film sur le deuil (
il a enterré ses 2 épouses et même ses 2 enfants, d’abord, Alice, à 15 ans et puis Cyril, adulte
), sur l’amour filial (
Alice qu’il adore et Cyril, tailleur qui admire son père en secret
), sur l’amour conjugal (
Philomène a été heureuse avec lui et l’a soutenu dans son projet fou et les épreuves, lui qui n’était pas fait pour vivre en société comme il l’avoue
) (le film est dédié à Ondine Tavernier, femme du réalisateur) et sur le temps qui passe (
il assiste au mariage de sa petite fille, Alice
) et les choses qu’on n’a pas dites à ceux qu’on aime. Sans oublier la belle photographie de Vincent Gallot (intérieurs, paysages de la Drôme et même Palais idéal sous la neige) et la musique des frères COLLEU, Baptiste et Pierre. Le générique de fin informe que son palais a été classé aux Monuments Historiques, en 1968, par André Malraux (1901-1976), ministre de la Culture.