Durant les premières minutes, on est partagé entre l’espoir d’assister à quelque chose de différent et la méfiance suite au constat que ‘Hérédité’ offre un schéma de départ qui ne se différencie en rien de celui de tant d�autres films fantastiques L’espoir, il provient de cette maison renfermant elle-même de petites maisons que la mère de famille, sculptrice de miniatures, élabore fiévreusement pour refouler un deuil récent et, on le devine, des traumas familiaux enfouis. Il provient aussi de cette jeune actrice (Milly Shapiro) au physique naturellement inquiétant tel qu’on en avait plus vu depuis longtemps dans un film d’horreur, a fortiori américain. La méfiance, c’est le scénario : la grand-mère pleine de secrets qui décède, la folie latente qu’on devine chez la mère, un autre décès à la brutalité saisissante...tout semble en place pour annoncer la présence d’une malédiction familiale (le titre) ou la présence d’une entité surnaturelle malveillante (la maison pleine de recoins et de pièces fermées dont le réalisateur révèle l’existence sans jamais en dévoiler le contenu). On attend, vaguement goguenard, le jump-scare, la porte qui se referme en grinçant, la forme spectrale qui évolue et se dévoile furtivement dans les ombres d’arrière plan : le trait de génie, c’est que tout cela n’arrive jamais : ‘Hérédité’ distille une autre forme d’épouvante, celle qui laisse le malaise s’insinuer dans chaque interstice jusqu’à occuper tout l’espace disponible, sans recourir aux effets-choc mais en profitant de chaque événement et de chaque détail pour en surligner les aspects dérangeants et inquiétants : la famille, qu’on devine n’être banale qu’en surface, va voir sa cohésion s’effriter progressivement, et son équilibre céder sous les coups de boutoir du deuil, du remords et d’une forme de masochisme auto-entretenu, qui voit peu à peu les personnages décrocher de la réalité : la mère, bien évidemment mais aussi le fils, rongé par une culpabilité consciente et inconsciente et même le père, stable en apparence mais trop faible pour diriger seul le navire. Il faut évidemment relativiser l’originalité du propos et des développements, qui sont tout de même loin de proposer du jamais-vu, mais dans le contexte très morne du cinéma d’épouvante américain de ces dernières années, accroché à ses franchises et à ses sous-produits pop-corn, ‘Hérédité’ fait l’effet d’une respiration bienvenue. L’attention apportée par Ari Aster à décortiquer psychologiquement les personnalités instables de la cellule familiale, à la merci de manipulateurs trop bien-intentionnés et de leur propre paranoïa tournant à plein régime, sont dignes du Polanski de la grande époque, celui de ‘Rosemary’s baby’ dont ‘Hérédité’ se rapproche parfois neaucoup...et ce n’est pas la conclusion, qui oscille entre grand-guignol et effroi pur, qui livrera un autre ressenti!